Me suis-je réfléchie, déjà? Une fois, je crois, dans l’oeil rond et plein d’un ciel oublié au désert. Je me suis pensée feuille et vautour et calcaire et reflet. J’ai déboutonné mon visage, il a glissé sans lutter. Je l’ai trempé tel un linge en sa toilette. Lentement empesé d’eau, il a un peu coulé et pâli mon visage tandis que l’autre réfléchissait (pour un instant nous étions deux) des choses piquantes se sont détachées en frottant la bouche et les yeux. La bouche surtout. Quand il a touché le fond, le visage qui se voyait visage a dit « ça suffit ». J’ai soulevé et tendu le linge mien devant le soleil. L’éclipse flambait en trois points. Un parfum de coing et de cuivre en reboutonnant les yeux.
Se réfléchir en un trou d’eau, à un pas du renversement et laisser à une seule question le soin d’exister : Qu’allons-nous devenir? »
30 juin 2022 : Lire et suivre les sentiers empruntés par une autre que soi. Une carte intérieure se dessine peu à peu. La lenteur du pas, les herbes mouillées, un paysage qui s’ouvre, ce visage dans l’eau… se sont les nôtres aussi. Et l’on s’en va « en sifflotant » avec la poète regarder « se ratatiner les maisons, les fumées s’élever, faiblement effacer le paysage blême… »
Sandrine Cnudde, Patience des fauves : réseau d’affûts en territoire poétique, Editions Erès, 2017