nouages

éclats du jour

« Les petits vols de l’inconnu sur l’horizon », Iro Nikopoulou (Grèce)

les heures denses …

les heures denses … J’ai vu la sévère splendeur des rois assyriens et l’écriture barrant leurs corps de sa route sûre. J’ai vu l’ange aux ailes de pierre, sa compagne au plumage de paille flambant de lumière, et l’ange tout hérissé portant son aile comme une armure. J’ai vu l’arbre et ses feuillages de pierre. J’ai vu les épis renflés du maïs et le sourire de l’homme repu. J’ai vu l’homme épluché comme un fruit et le beau noeud d’un homme qui attend qu’on le dénoue. J’ai vu des yeux aux aguets. J’ai vu la table mise pour des femmes en fleurs, oeil, vulve. Des femmes vases et des femmes coquillages. J’ai vu danser depuis cinq mille ans, une femme, ses beaux bras dressés, et j’ai vu l’homme qui rêvait d’elle. J’ai vu des gueules cassées. J’ai vu le phoenix en colère et le chameau furieux. J’ai vu le bélier s’enfuir. J’ai vu Orphée charmant les animaux et le berger s’endormir. J’ai vu le boeuf tranquille et celle qui lui donnait à manger, celle qui veillait sur ses enfants et celle qui dansait, encore et encore, puis allait se mirer toute nue dans l’eau bleue. J’ai vu un paysage précieux de terre et d’émail, et l’abeille butineuse, le chardon mûr, la chasse à l’escargot. J’ai vu enfin les châteaux et les grands vaisseaux de guerre, les hommes se partageant la terre, celui qui répand la mort et l’ange tombant du ciel … … au Brooklyn Museum, Metropolitan Museum et la Morgan Library de New York

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Agnès Geoffray, Suspens & syncope

Agnès Geoffray, « Les yeux fermés le monde est là » « A la lumière du jour / Il ne reste rien », écrit Agnès Geoffray dans Cartouche #2, récit syncopé reproduisant pleine page des télégrammes. Peu d’indices. Aucune syllabe en trop. Les télégrammes ne sont que les amorces d’un récit énigmatique. Suspens & syncope, performance : « Depuis longtemps des corps pendus, suspendus, des gestes arrêtés, des paroles figées hantent mon travail de photographie et d’écriture. Ces figures reviennent inlassablement au gré de mes travaux. Je joue de ces arrêts et ces états de suspensions, entre la chute et l’ascension, entre l’effondrement et l’élévation. Ce qui est fascinant dans le suspens c’est le temps manquant. On ne sait rien du temps précédent, on devine tout juste le temps suivant, un mouvement suspendu où tout est encore possible. Un temps de résistance. L’étirement du temps, cette attente figée est une résistance face au drame à venir. Au fil des échanges avec Vanessa Desclaux, le suspens a glissé peu à peu vers la syncope. Cette rupture dans le réel, ce flottement temporel, cet arrêt est devenu éclipse. Défaillir doucement ou sombrer brutalement, pour se mettre en retrait du réel. » Agnès Geoffray Agnès Geoffray, Cartouche / 02, éditions Imogène, 2021 Pour découvrir le travail d’Agnès Geoffray, voir son site. Pour en savoir plus sur Cartouche #2, voir le bel article « L’art de la syncope » dans le blog de Fabien Ribery

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Nadine Buraud, Le ciel coulisse

Nadine Buraud, Le ciel coulisse Parfois, d’une rencontre brève, demeurent quelques mots libres. A l’occasion de la « Criée des poètes », organisée au Havre par Lignes d’Horizons, j’ai rencontré Nadine Buraud sur le stand des éditions rouennaises, Le Carnet du dessert de lune. Nadine Buraud a consacré beaucoup de son temps au développement de la maison d’éditions. Elle écrit aussi. Comme quelqu’un qui creuse en soi, à la recherche de ce qui échappe. Pour avoir lu et entendu tant de mots prononcés par d’autres. Reprendre souffle. S’ébrouer un peu. « Pourquoi avoir tant attendu », écrit-elle dans le premier poème du recueil. Je lis donc Le ciel coulisse, avec ce sentiment précieux d’une conscience qui cherche les mots pour mieux adhérer au monde. « Un silence s’est glissé entre la table et la pluie la vie s’épaissit on crie sous les ombres on ne s’entend pas un double de soi circule à bas bruit la peur résonne alors tailler ses crayons à l’endroit du silence à l’envers du monde se taire peut-être » « Le ciel coulisse comme au premier jour dehors dedans on ne sait plus l’air est sucré l’eau murmure depuis l’enfance on ne pèse pas plus qu’un merle toucher la terre poser sa peine faire le poids s’envoler » « Soleil blanc – vertical paysage parallèle coeur posé – bancal quelques chants d’oiseaux ce sont des noces des noces jaunes quand survient l’ange une ombre à demeure l’impression est vive passante le tableau incertain » Nadine Buraud, Le ciel coulisse, Ed. Les Lieux-Dits, Cahiers du Loup bleu, 2024 couverture : dessin de Luce Guilbaud

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Slamer avec Mathieu Amans et Fab Rebel En clin d’oeil à mes amis poètes slameurs, Mathieu Amans et Fab Rebel, que j’ai eu à plusieurs reprises le plaisir d’écouter dire leurs textes, voici des extraits de leurs ouvrages : Parler-vrai mais pas fort de Mathieu et Le cancre slam de Fab. Ils sont poètes et slameurs : mettent leurs mots en voix, les mettent en corps. Le slam emporte dans son mouvement le poème, le poète, l’auditeur … « Moi si j’écris, ce n’est pas pour décrire, mais pour m’écrier », dit Mathieu Amans. Dans leurs textes, il est question d’amour, de silence, de nature, de peur, d’enfance. Ils affirment leur engagement. Partout ils font place au visage, à la silhouette, aux mots des autres. Alors quoiqu’ils puissent dire … « J’suis plus dans l’thème. J’suis plus dans l’game. J’suis d’aucun gang. Vise ma dégaine. J’crois plus en moi-même, ni qu’tout l’monde s’aime. J’ai pris le seum. » (Mathieu Amans) … leur présence et leurs textes assurent la vitalité de la poésie ! « On dit que ‘la poésie sauvera le monde’. Pas sûr, mais elle a sauvé le mien » (Fab Rebel). Mon peuple « Mon peuple a oublié son insurrection à la Révolution Française. A l’heure où, sans qu’il ne réagisse, on lui brandit sans cesse l’étendard du sacro-saint principe de réalité pour relativiser la portée du creusement des inégalités. Mon peuple a oublié sa révolte de la Commune de Paris. A l’heure où, chez lui, le degré d’avarice jamais ne varie dans la course au profit de possédants souvent pas nets jouissant sans partage ni discernement des richesses de la planète. Mon peuple a oublié ses luttes du Front Populaire. A l’heure où il sommeille dans sa servitude volontaire, où tous ses biens communs disparaissent puisqu’on les privatises et où ses foyers de résistance s’éteignent puisque trop peu les attise ! Mon peuple a oublié son rêve général de Mai 68. A l’heure où, hors de chez lui, tous ses capitaux prennent la fuite et où l’imagination n’est guère plus au pouvoir que pour lui reprendre, un à un, ses acquis, avec son bon vouloir. Où est passé mon peuple, mon peuple épris de démocratie ? Où est passé mon peuple ? Mon peuple est pris de crise d’amnésie! Mon peuple doit réapprendre de cette première citation : « Un peuple qui ne connait pas son passé, ses origines et sa culture est comme un arbre sans racine. » Marcus Garvey prônait pour les descendants d’esclaves déportés le retour en Ethiopie. En réponse au colonialisme, il avait créé une utopie ! Mon peuple doit réapprendre cette seconde citation : « Un peuple qui élit des corrompus, des renégats, des imposteurs, des voleurs et des traîtres n’est pas victime ! Il est complice. » George Orwell, l’auteur de ces mots, a lancé l’alerte, nous a prévenus que notre fascination pour Big Brother précipiterait notre perte ! La résignation de ma nation n’est pas fortuite. leurs campagnes publicitaires ne sont jamais gratuites. Leurs propagandes s’adressent à nous pleine de perversité, afin que nos libres arbitres n’aient plus droit de cité, afin que naisse, servile, comme par enfantement, le désenchantement, dans leur fabrique de notre consentement. Alors, fini de nous laisser aller, fini de les laisser faire. Notre espèce descend de Lucy et non pas de Lucifer ! Où est passé mon peuple, mon peuple épris de démocratie ? Où est passé mon peuple ? Mon peuple est pris de crise d’amnésie ! » Mathieu Amans, Parler vrai mais pas fort, Editions Porte 7, 2024 Quartier populaire « Moi, j’adore rentrer tard le soir. Les pas sur le trottoir, la musique des zonards… c’est un quartier populaire, des travaux, des travelos. De Danton au Bistrot en passant par chez Théo, chez Momo, avec les gigolos, les écolos, les prolos. La gentrification a du bon, quand t’as connu la prison. C’est un quartier populaire, des quinquas débonnaires, des loubards, des gavroches. Des gars qu’ont sous les yeux des poches et pis le vendeur de sacoches, Le Tonton tête de pioche. C’est un quartier populaire. A no man’s land, a no man’s land, a no man’s land, a no man’s land. Du Rond-Point au tramway un no man’s land is my way. My way is no man’s land, my way is no man’s land, my way is no man’s land. Il y a Fernande la Marchande, avec elle, toute sa bande. Des clopes en contrebandes. Il y a aussi la ménagère, la femme d’affaires, la boulangère, la poivrote fière. No dress code, mais y a des gens à la mode. Sandales, chaussettes, futals, baskets. Qu’t’aies des locks, un bombers, une burqa, un pyjama, qu’t’aies un voile, qu’t’aimes la voile. Du bol d’être en sécurité, dans toutes ces mixités. Vaccinés ou pas, les gens sont responsables, moi j’y crois. Le monde fout le camp, un ptit joint de temps en temps, de la musique tout le temps, du garage, du quatre temps. C’est un quartier populaire. A no man’s land, a no man’s land, a no man’s land, a no man’s land. Du Rond-Point au tramway un no man’s land is my way. My way is no man’s land, my way is no man’s land, my way is no man’s land. … » Fab Rebel, Le Cancre slam, Editions Le Tirelarigot, 2024 Fab Rebel, Le cancre slam, Editions Le Tirelarigot, 2025 avec des dessins de Sébastien Fleury Certains textes sont accompagnés d’un enregistrement audio accessible par un QR code. Mathieu Amans, Parler-vrai mais pas fort, Editions Porte 7, collection Paroles Eklectiks

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Adrienne Rich, Le Rêve d’un langage commun

Adrienne Rich, Le Rêve d’un langage commun Grâce à Isabelle Marical, libraire de La Petite Librairie au Havre, j’ai découvert la parole vive d’Adrienne Rich, figure tutélaire de la poésie états-uniennes. Dans Le Rêve d’un langage commun / The Dream of a Common Language, recueil écrit entre 1974 et 1977, elle explore sa vie intime de femme en lutte. Le recueil est aussi un chant d’amour. Un chant désordonné tout entier dont le poème essaie de se saisir. « Si dans ce sommeil je parle c’est avec une voix qui n’est plus personnelle (je voudrais dire avec des voix) Quand le vent nous a finalement arraché notre souffle nous n’avions plus besoin de mots Depuis des mois des années chacune de nous avait senti son propre oui grandir en elle se former lentement quand elle regardait par les fenêtres attendait des trains raccommodait son sac à dos peignait ses cheveux Ce que nous devions apprendre c’est tout simplement ce que nous avons trouvé là-haut quand parmi tous les mots ce oui a rassemblé ses forces s’est fusionné et juste à temps pour faire face à un Non de non-degré le trou noir aspirant le monde » extrait de « Phantaisie pour Elvira Shataeva » « Mon corps s’ouvre au-dessus de San Francisco comme la lumière du jour qui pleut chaque pore pleurant le changement de lumière je ne suis pas avec elle Je me suis réveillée par intermittence toute la nuit avec cette douleur pas simplement l’absence mais la présence du passé destructrice de la vie ici et maintenant Pourtant si je pouvais m’instruire moi-même, si on pouvait apprendre à apprendre de la douleur au moment même où elle nous étreint si l’esprit, l’esprit qui vit dans ce corps pouvait refuser de se laisser écraser par cette étreinte elle se relâcherait La douleur serait obligée de prendre ses distances et d’écouter son souffle obscur toujours sur moi mais l’esprit pourrait commencer à parler à la douleur et la douleur serait obligée de répondre » extrait de « Ruptures » « Une conversation commence par un mensonge. Et chaque locutrice du soi-disant langage commun sent la rupture de la banquise, la dérive comme impuissante, comme confrontée à une force de la nature Un poème peut commencer par un mensonge. Et être déchiré. Une conversation a d’autres lois se recharge avec sa propre fausse énergie. Ne peut pas être déchirée. Infiltre notre sang. Se répète. Inscrit avec son stylet sans retour l’isolement qu’elle nie. » extrait de « Cartographies du silence » Adrienne Rich, Le Rêve d’un langage commun / The Dream of a Common Language, traduit de l’anglais par Shira Abramovich et Lénaïg Cariou, L’Arche, 2025, coll. Des écrits pour la parole

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Miguel Casado, Théorie de la couleur

Miguel Casado, Théorie de la couleur Avec le temps, la couleur change et reste à définir ; on cherche ses secrets, ses règles, ses mesures, ses retards, parfois ses échecs. Les yeux incertains et le regard, le passage des glacis, des noms, des lointains. Reste la tension du regard, la fragilité de la pensée dans le vif désir du réel, dans le risque même d’inventer, avec des visions, les réponses. Parfois, sur quelques pentes, la couleur s’arrête à de soudaines limites. Un souvenir brisé et étrange de terres de vignes que les feuilles cachent ou d’ oliviers ou l’absence soudaine d’ aiguilles de pin. Sur quelques pentes; la couleur s’arrête, et il n’y a rien. Aucune peau ne se fait signe; comme un squelette, la terre est nue, les pierres roulent comme des yeux, mots pour ne plus rien dire. Rien n’est plus éloigné du silence que ces sonnailles de rien, que cette poussière de tant d’images. Rien rien au-delà du silence. Sur quelques pentes, la vie s’arrête, sans aucun lieu. El día escinde la percepción al colorear la tierra. Limita el dolor con la promesa del tiempo. Presenta lo ya vivido como imagen de lo por vivir. Le jour scinde la perception en coloriant la terre. Limite la douleur avec la promesse du temps. Présente le déjà vécu comme l’image de ce qui est à vivre. Invernales (Hivernales), Premio Arcipreste de Hita, 1985. Réédition partielle de ces poèmes sous le titre :Parauna Teoría del Color (Pour la théorie des couleurs), Nómadas, 1995. Parution en version française, Théorie de la couleur, trad. par Jean-Gabriel Cosculluela, Ed. Propos 2, 2006, coll. Propos à demi

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« Dans mon âme industrielle »

« Dans mon âme industrielle », écrire avec Yann Dupont devant les paysages du Havre Comment dire la ville, ses rues, ses passants, son atmosphère ? Dans le clair paysage du Havre, le 23 mars dernier, Yann Dupont nous a conviés à une randonnée-atelier d’écriture à l’occasion de la « Criée des poètes » organisée par Lignes d’Horizons et La Petite Librairie. Nous avons grimpé sur les hauteurs du boulevard Félix Faure qui domine la ville et donne à la voir du port industriel jusqu’à la plage. Le jour avait cette gaîté rieuse de gris bleus contrastés de nuages. Nous nous sommes assis devant le paysage, le stylo à la main comme un crayon et un carnet à dessin. Quelques textes de Yann ont été les fils conducteur de nos écrits. Ils étaient tirés des recueils inspirés par la ville et son port, parmi lesquels Brumes industrielles. « Les nuages à même le sol », « la gouaille des galets », « le béton rose », « les goélands transatlantiques »… les mots sont posés sur des sensations tenaces. Des contradictions. Nulle certitude. Mais un chant pour aimer le gris des brumes, du bitume, de la plage de galets, les bruns, les rouilles et les « cendres bleues du petit matin ». Quelques couleurs pour tracer le portrait d’une ville, la splendeur et l’usure des lumières posées sur l’amertume d’un paysage industriel, l’espace où s’amassent ses rues et la délicatesse d’un horizon qui la libère. Un porte-conteneurs dans mon âme industrielle décharge des tonnes de solitudes Elles ont traversé les océans d’autres villes les mégapoles de l’oubli et le travail à la chaîne. Quand le soir bleu pétrole tombe sur la mer d’huile j’aime les retrouver Près d’une lucarne triste on contemple l’horizon Sous l’œil d’un goéland rieur La gouaille des galets a la couleur des goélands Elle parle de la bruine des gens du port Des bruits de la ville à dix heures du soir Mais quand ruisselle le cliquetis des mâts Le long des avenues aux vents de minuit On discerne à peine le roulis de ses mots Il rêve d’un café aux mosaïques surannées Un verre de pernod sur le formica d’une table éméchée Il rêve d’un vieux docker échoué sur le boulevard Du temps long de l’ennui les soirs d’été Quand les derniers transatlantiques ont quitté les quais Il rêve d’un temps où il n’était même pas né Toujours n’être pas seul au seuil de l’orage Quand les étoiles lessivées crèvent les nuages Mon Je flotte amarré à la nuit fuyante Et des jeux inconscients émergent inconsistants Bouées des brumes hébétées au rivage du jour Me ramènent assoiffé mendiant le secours D’un autre que moi Poèmes extraits de Brumes industrielles, recueil poétique, Hugues Facorat Edition, 2016 Vous pouvez suivre les activités de Lignes d’Horizons : https://www.facebook.com/Verslehavre/ et de La Petite Librairie : https://www.facebook.com/p/La-petite-librairie-100092492154055/

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Pulpe rouge le sang du rêve, Lambert Savigneux

« Pulpe rouge le sang du rêve », peinture et poésie de Lambert Savigneux Couleurs : pigments distribués dans l’eau ; mots aussi, ces images en éclairs qui traversent le langage et s’y nouent fermement. Le travail de peintre et de poète de Lambert Savigneux se nourrit d’un double regard et partout de couleurs. En elles – règne de l’image – les différents aspects du monde se frottent et se ravivent. Ecrire ou peintre pour ne pas raconter. Regarder plutôt. Se saisir d’éclats et, dans un décalage immédiat, provoquer l’irruption du monde. La grande balafre Même si La grande balafre accroché à la carcasse du monde vieux c’est la solitude coupée de la vitalité Sur l’autre rive les cent défaites de toutes les défaites plus nette est l’étincelle la mémoire portée en rive ces chapelet des graines rouges éclatent au toucher comme pour les couver de la paume le songe de la folie affabule la source  ci git la dérive pulpe rouge le sang du rêve. à partir dans le non-dire le oui -dire le rire émietté Le sang dans la bouteille les vagues sur une fleur épineuse les crocs de l’énergie rode dans un trou noir phare une épave, l’humain veille du sol vert sur le sol duvet aérosol sur le monde l’affolement des oiseaux dans les branches (extrait de « La grande balafre », Dogside) Trans/i La transamazonienne des coups de pelles et des répressions virales le rideau est tiré sur le rêve au havre déjeté de la forêt des fleurs des hommes jaguar et des pierres précieuses sur les visages sous les hauteurs des gouffres végétaux animaux et l’esprit sauvage la poussée intranquille au balancement des cimes ramené dans des coffres forts pesé en boîtes numériques à l’équation en suites binaires Alors que ça souffle que la richesse dans le silence et la couleur crie et  tue (extrait de Paléofolia) Pour retrouver les peintures et les poésies de Lambert Savigneux : https://aloredelam.com/

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« De plénitude rose, revêtu de ce rose »

« De plénitude rose, revêtu de ce rose »… Revue alsacienne de littérature Dans le dernier numéro de la Revue alsacienne de littérature, intitulé « Demain », parmi tous les textes, je suis allée vers ceux qui célèbrent le faste des couleurs. Bleu, roux, rouge, gris pâle, rose … les couleurs sont les pensées. Nous y rencontrons le monde. Elles aimantent nos regards. Nos compréhensions passent à travers elles. N’importe laquelle est un bienfait. Couleurs, ne jamais vivre mieux qu’en ressentant. « Ce soir le ciel n’a pas les yeux bleus du désert Sept heures en été c’est loin du crépuscule mais la pluie en partant a volé tous les verts anisé des prairies caché les cœurs de gui feutré les tuiles rousses aux bras des collines cossues J’ai dit « Oui » à l’irréfutable et je poursuis ma route en me fiant là-haut à des dragons lovés esclaffés dans des champs de perles Ils sont fumeurs de brumes et attisent vers moi des bûchers de pénombres Mes autels de païenne font monter des credos vers tout ce qui s’effleure Les blancs entre nos rives défilent ici même des lionceaux feuillus viennent déjà y boire L’irréfutable rit et je lui dis : « Encore » Anne-Marie Soulier, « Skylines », p. 35 « dans le vaste monde les mêmes trois couleurs sous le feu la braise rouge feu sous la peau le sang rouge sang et la semence pâle comme blanc d’œuf le poème existe partout sous les formes les plus changeantes mais les trois couleurs constantes font ressembler l’homme à l’homme » Gaston Jung, extrait de « Braise sang semence », p. 33 Des ailes sous l’oreiller « Des plumes diaphanes flottent au-dessus du lit gris pâle, bleu translucide La peau du visage légèrement colorée, les paupières tremblent, fragiles, mi-closes. Des ailes à la fenêtre blanche et fortes. Absence du corps. Des dessins tracés sur les couvertures. Des lignes inégales, des touffes de laine. La respiration lente du dormeur. Les mains frêles. L’ombre des plumes. » Andrea Moorhead, extrait de « Dans la splendeur de ton absence », p. 43-45 « aube, belle arche de plénitude source à ciel ouvert aux hauteurs des pics joie haussée vers un lendemain si clair comme la pointe naît à la pointe de la fleur rose apparue en sa grâce d’aube née sous sa poussée demain n’en finit pas d’advenir de plénitude rose revêtu de ce rose » Anne-Marie Zucchelli, extrait de « Les lendemains affleurants », p. 54-55 « Dans un soupir le chant des coquelicots Dans la danse des blés points rouges des coquelicots A la porte de la chambre une haie de coquelicots Ferme les volets sur la buée Un plongeon dans le rouge Eternité rouge des pavots Une couleur pour demain » Martine-Gabrielle Konorski, p. 72 Revue alsacienne de littérature, n°140, « Demain », 2ème semestre 2023

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Caroline Hayeur, Radioscopie du dormeur

Caroline Hayeur, Radioscopie du dormeur L’invitée d’honneur du festival photo Are you experiencing ? est Caroline Hayeur. Elle présente dans le hall du Théâtre de l’Hôtel de ville du Havre une installation combinant photographies et vidéos d’hommes et de femmes en train de dormir : Radioscopie du dormeur. La photographe propose au visiteur une déambulation entre de grands tissus dressés, comme des fenêtres ou des draps qui sèchent et qu’un courant d’air bouscule. Dessus, des images de corps abandonnés au sommeil. Vertige de la verticalité suscitant une danse des corps endormis à mi pente, tout en haut ou à l’oblique du lit. Sur les noirs, les gris et les blancs de la photographie, dans leur matière même, le grain du tissu fait comme une couche de sable déposé à la surface. Ce sable qui se pose sur le dormeur et l’ensevelit. Délicates images où le sommeil se laisse saisir dans des lignes qui fuient et d’autres qui s’entremêlent. Sommeil soufflé dans l’image. Chastes images. Jubilation de découvrir les dormeurs comme on se voit soi-même, dans l’émotion intense d’une révélation, une effusion des profondeurs. Sous les mouvements doux des draps suspendus et des gestes enregistrés par l’image, nous entrons dans le paysage lointain et incertain du sommeil, mélange d’ardeur et de distance. Sa mémoire révélée par une image, interminablement fixée en nous. Caroline Hayeur, Radioscopie du dormeur, invitée d’honneur du cadre du Festival photo Are you experiencing ? sur le thème « La nuit, je voyage ». 17ème parcours photographique urbain du Havre à Sainte-Adresse, 29 mars-30 avril 2024 – https://areyou-experiencing.fr/ Pour retrouver les projets de Caroline Hayeur : https://art.carolinehayeur.com/

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