j’acques estager, aux effilées de leurs doigts
Je lis le texte de j’acques estager, aux effilées de leurs doigts, avec la joie d’éprouver en une forme écrite un souffle si inlassablement plié et déplié. Et qu’aimer de plus que ce souffle qui passe là ?
Que dévoile-t-il entre ses plis ?
Presque l’invisible. Une saison étrange où les mots se suspendent, blancs et ciselés, à la phrase défeuillée. Mots ouverts à tout ce qui s’égare. Un bredouillement. Une ombre. Un rythme. Une musique autrement vibrante de devenir si substantielle.
Il suffit d’écouter. De tendre le miroir à la bouche pour reconnaître qu’il s’embue et que l’être est vivant.
Il y a dans cette lecture une part de mimétisme auquel le corps est convié. C’est le début de l’aventure intérieure. Un corps à corps avec les mots. Ô combien emporté et insouciant comme l’esprit le devient quand le vent balaie les pensées. Si attentif aussi lorsque surgit, inattendue et peut-être illusoire, la manifestation d’une permanence.
La langue écrite au féminin m’effleure en cela plus subtilement encore. Je lis le recueil en reprenant les mots du poète, « je dirais alors que c’est moi ».
*
dans un enclin sur des blés, des blés !,
dans une nuit d’où couchée sous des blés !,
j’étais, d’y chercher une brume éternelle
toujours le même soir fantômal, la brume et les
mêmes fantômes
marchent les prairies autour de la rivière dans
le village, fantôme
de la brume à la brume, dans l’ombre partout,
cette promenade lente l’immobilité partout,
la brume… la terre… de partout, la brume
jusque d’à ses ombres de sous la brume,
j’en veux dire à la halte de son corps de brume,
effacer sa parole de sa voix, toute de moi toute,
jusqu’au ciel, il y a, dans la brume,
mêmes absence et présence, … îles… … nuits
d’elle à elle, …
*
la nuit, à l’estompe
je vois dans la pénombre
mes habits en lambeaux,
ou « souvenirs
vagues et
délicieux »,
ce qu’il y a
et si la nuit est longue
je ne suis pas si pâle, je suis si pâle,
ce n’est tant que je suis, ne suis si reposée,
c’est de soirée que l’ombre je suis
dans la fraîcheur des ténèbres.
Je me pelotonnerais bien, de là,
sur les reflets des eaux
…
*
… je suis, calme, même, orante,
à l’image, même, calme, orée, dite.
Les demies voix les toutes voix, c’est la nuit,
c’est se respirer, on se murmure, c’est la voix,
l’à travers après-midi de anges, âmes, ombres,
errantes.
Le songe.
il y a seulement un siècle que nous étions
allongées tout unes nuits, c’est de cette nuit-même,
dans ces paysages … c’était où tout est calme…
j’acques estager, aux effilées de leurs doigts, poésie, Rosa canina éditions, 2022
Merci, Anne-Marie Zucchelli, de votre page transmise par Dominicella & Teo m’est toute compréhension, et où cette « langue écrite au féminin » qui me… touche… ou effleure comme dans le… secret des mots et des personnes, j’acques