« De plénitude rose, revêtu de ce rose »… Revue alsacienne de littérature
Dans le dernier numéro de la Revue alsacienne de littérature, intitulé « Demain », parmi tous les textes, je suis allée vers ceux qui célèbrent le faste des couleurs. Bleu, roux, rouge, gris pâle, rose … les couleurs sont les pensées. Nous y rencontrons le monde. Elles aimantent nos regards. Nos compréhensions passent à travers elles. N’importe laquelle est un bienfait. Couleurs, ne jamais vivre mieux qu’en ressentant.
« Ce soir le ciel n’a pas les yeux bleus du désert
Sept heures en été c’est loin du crépuscule
mais la pluie en partant a volé tous les verts
anisé des prairies
caché les cœurs de gui
feutré les tuiles rousses
aux bras des collines cossues
J’ai dit « Oui » à l’irréfutable
et je poursuis ma route
en me fiant là-haut
à des dragons lovés
esclaffés dans des champs de perles
Ils sont fumeurs de brumes
et attisent vers moi
des bûchers de pénombres
Mes autels de païenne
font monter des credos
vers tout ce qui s’effleure
Les blancs entre nos rives
défilent ici même
des lionceaux feuillus viennent déjà y boire
L’irréfutable rit
et je lui dis : « Encore »
Anne-Marie Soulier, « Skylines », p. 35
« dans le vaste monde
les mêmes trois couleurs
sous le feu la braise rouge feu
sous la peau le sang rouge sang
et la semence pâle comme blanc d’œuf
le poème existe partout
sous les formes les plus changeantes
mais les trois couleurs constantes
font ressembler l’homme à l’homme »
Gaston Jung, extrait de « Braise sang semence », p. 33
Des ailes sous l’oreiller
« Des plumes diaphanes flottent au-dessus du lit
gris pâle, bleu translucide
La peau du visage légèrement colorée,
les paupières tremblent, fragiles, mi-closes.
Des ailes à la fenêtre
blanche et fortes. Absence du corps.
Des dessins tracés sur les couvertures.
Des lignes inégales, des touffes de laine.
La respiration lente du dormeur.
Les mains frêles. L’ombre des plumes. »
Andrea Moorhead, extrait de « Dans la splendeur de ton absence », p. 43-45
« aube, belle arche
de plénitude
source à ciel
ouvert
aux hauteurs des pics
joie
haussée vers un lendemain si clair
comme la pointe naît
à la pointe de la fleur
rose
apparue
en sa grâce
d’aube
née sous sa poussée
demain n’en finit pas d’advenir
de plénitude
rose
revêtu de ce rose »
Anne-Marie Zucchelli, extrait de « Les lendemains affleurants », p. 54-55
« Dans un soupir
le chant
des coquelicots
Dans la danse
des blés
points rouges
des coquelicots
A la porte
de la chambre
une haie
de coquelicots
Ferme les volets
sur la buée
Un plongeon
dans le rouge
Eternité rouge
des pavots
Une couleur pour demain »
Martine-Gabrielle Konorski, p. 72
Revue alsacienne de littérature, n°140, « Demain », 2ème semestre 2023