Eric Ardouin et Damien Charron, lecture poétique et musicale de Long courrier
Le 1er février 2025 au conservatoire Arthur Honegger du Havre, dans le cadre de « Poésir à Danton », Eric Ardouin présente son recueil, Long courrier (Ed. Lignes d’Horizons), accompagné au piano par Damien Charron.
Le recueil constitue le troisième opus qui met en scène Alan Bathurst, personnage imaginaire qui est aussi un des doubles littéraires du poète.
Les voix du poète et du musicien dialoguent. Ecoutons.
Le poète se fraye le passage dans son texte. Il le connaît par coeur.
Les mots cachent. « D’où viens je / de ce côté je crois ou de cet autre ou de celui là pas sûr et avant je ne sais pas je me suis encore perdu ».
Le double du poète accueille son désir d’être.
Il lui permet de redécouvrir les routes de hasard de sa jeunesse et réveille sa mémoire endormie : « Toute ma vie est ici dans le rêve et dans l’action, dans le silence et dans le souvenir.«
Le musicien procède par dépouillement. Tout en concentration. Il pose le son infiniment sensible sur fond de paroles.
Des notes couleurs sable et pierre, des notes métalliques quand il joue avec les cordes du piano.
Les mots aimantent les sons. Les sons creusent le silence.
La musique sonne dans un espace qu’elle vide.
« Effacement« , dit le poète.

Effacement
Rien n’efface une ombre
qu’une ombre plus grande
J’en sais une immense
qui peuple mes jours
d’images volées
à mes souvenirs
plus claires pourtant
qu’un premier été
qui peuple mes nuits
d’ombres de ces ombres
plus claires encore
De quelle clarté
luira l’autre nuit
après celle-ci
Piété
Les cimetières ce gravier
sont pleins de bons mouvements de mains tendues
de gestes qui sauvent
de gestes qui tuent
Mais dussé-je y laisser mes plumes et mon âme
je n’arrêterai jamais la bonté
Toute ma vie est ici
dans le rêve et dans l’action
dans le silence et dans le souvenir
Ici mes nuits
et mes jours
et notre pire ennemi
la peur
de donner
de perdre
Comme la prudence
la bienveillance n’est pas négociable
Certes
Je lis surtout la nuit
Certes
je la transporte avec moi
et c’est toujours la nuit quelque part mais son cœur bat humainement
écoute
Voilà pourquoi je lis la nuit
pour mieux économiser les lampes
et surtout
pour mieux entendre avec toi
battre ton cœur
L’Arpenteur des bordures – Tout
Tout me parle qui ne dit rien
une pierre sur le chemin
un hochet tombé d’assez bas
ce petit nuage là-bas
tout me parle de solitude
la mienne la nôtre la leur
le silence est un bien grand mime
Je n’y suis pas cherche plus loin
Le silence c’est l’horizon

Eric Ardouin, Long courrier (Bathurst, III), comprenant L’Arpenteur des bordures, illustrations de Julia Pinquié, Les papiers de Lulia, Editions Lignes d’Horizons, 2024
