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Jean-Marc Barrier, 196 matins

Qu’est-ce donc que cette histoire fugitive racontée par Jean-Marc Barrier dans son recueil 196 matins ? Une histoire qui nous happe. Une histoire flottante, presque sans poids. La beauté vulnérable des matins. « Le départ ce matin l’envol comme un art de la fugue ».

196 matins, tenus dans l’ « espace de papier » d’un livre.
196 matins, pensés sur l’instant.
Leur souffle clair.
L’émotion pure, « la paix qui fleure » ou « le grand festival des indécisions ».
« Le sentier de l’inconnu ».
Et « ce matin la mer juste au bout de la rue ».

Une ville est discrètement présente dans ce recueil. Un lieu modeste jamais nommé, poussant parfois sa présence entre les phrases : Le Havre, « saturé d’air ».
Je sais par expérience la marche lente et « le non-vouloir de la nonchalance » permis dans cette ville si souvent vide. Son horizon offert sans limite.

Courts, tenus sur leur réserve, abrupts quelquefois, les poèmes de Jean-Marc Barrier s’écrivent dans les harmoniques d’un sentiment profond. Amoureux. Océanique.
Entre incarnation du monde et imperceptible évolution d’une pensée qui tâche de se perdre.
Entre la vie quotidienne, son épaisseur grave ou rieuse, et l’échappée de la nature.
Entre rêverie et constatation.

« 196 matins » et non pas 196 poèmes. Le titre voudrait-il filtrer les jours, les passer au tamis d’un corps surpris ? Que l’étendue d’un matin éternellement recommencé est bienfaisante !

Demeurer maladroit. Laisser les mots s’échapper, comme l’encre sur le papier lorsque Jean-Marc peint. Vouloir dire et ne pas pouvoir parfois. Reconnaître, imperceptible et continu, le sentiment qui s’enfuit devant les mots.
S’effacer surtout et faire place au blanc sur la page pour mieux se joindre au silence. A moins que ce ne soit plutôt à une lumière, intention claire.

196 matins, suspendus aux paroles notées sans ponctuation ni arrêt, jusqu’au bout d’un souffle.
196 matins, accordés avec l’hésitation.
Il me semble lire ces poèmes ainsi qu’on se laisse traverser par les heures. Dans le grand désir de pouvoir un jour s’y déposer entièrement.


Encre d’André Aragon pour accompagner 196 matins de Jean-Marc Barrier















Jean-Marc Barrier, 196 matins, 2025
accompagné d’une encre d’André Aragon
Pour découvrir l’oeuvre poétique et picturale de Jean-Marc Barrier : https://jeanmarcbarrier.fr/

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