Anne-Marie Zucchelli, « Animaux – fixant le manque », tract (Radical)ette, automne 2021, trois poèmes extraits de La Nuit finie, Editions du Petit Véhicule, 2022
à ma surface courent des animaux fous
mi-chiens mi-chiennes langues pendantes
ils ont faim soif détalent au milieu du chaos
ouvrent des yeux de supplique
croient rejoindre l’abri
quand de hautes images se dessinent à l’horizon
me cherchent de tous côtés grognent mordent et ne lâchent pas prise
mais en me retrouvant les bêtes en moi
s’épouvantent de mes yeux d’oiseau de proie fixant le manque
égarés dans une cage pleine de pupilles folles
*
je tiens la bride de l’animal
dispose ses inquiétudes comme des cailloux sur mes yeux mais je garde enfermées ses protestations et son hennissement dévore mes oreilles
je monte à quatre pattes l’intime son impudeur le lieu de la vitalité
et non plus sa trace
je l’éperonne
dans sa beauté à mourir
afin que la chevauchée n’en finisse jamais
*
je suis aux anges
viennent sur ma fourrure des crocs monstres sans ailes
sous la pointe de leurs sabots je tressaille et m’esquive
si étroitement couvée je vire quelques degrés en-dessus
en-dessous indifférente à leur colère leur montrant le contraire
jumelle tirée de la même amande procédant à l’échange je suspends leurs masques au-dessus de l’empreinte
mais j’enfonce un coin de bois pour les empêcher d’adhérer tout à fait

