Décembre 2023 : « L’homme est regard, Berger habitant le silence crépusculaire des troupeaux, La patience des hêtres rouges… » écrit Georg Trakl.
Une poésie couleur de l’incendie. Où les mots brûlent. Poésie fulgurante qui s’illumine et s’éteint pour mieux nous ouvrir les yeux.
Mélancolie
Ombres bleutées. O sombres yeux Qui longuement me regardent en passant. Des sons de guitare accompagnent en douceur l’automne Dans le jardin, dissous dans des lessives brunes. Les ténèbres graves de la mort naissent Sous des mains de nymphe, des lèvres rongées Sucent des seins rouges et dans des lessives noires Flottent les boucles humide de l’adolescent Soleil.
Extrait de Crépuscule et déclin
Occident (extrait)
Lune, comme si un mort sortait D’une caverne bleue, Et des fleurs beaucoup Tombent sur le sentier rocheux. Quelque chose de malade pleure argenté Près de l’étang du soir, Dans une barque noire Des amants sont allés à la mort.
Ou bien sonnent les glas D’Elis à travers le bois D’hyacinthe, Mourant à nouveau sous des chênes. O la forme de l’enfant Faite de larmes de cristal, D’ombres nocturnes. La foudre éclaire la tempe L’éternelle glacée Quand sur la colline verdissante Retentit l’orage de printemps.
Extrait de Sébastien en rêve
La nuit a avalé des visages rouges, Le long d’un mur de crin Un squelette d’enfant tâtonne dans l’ombre De l’homme ivre, rire brisé Dans le vin, tristesse ardente, Torture de l’esprit – une pierre se tait La voix bleue de l’ange Dans l’oreille du dormeur. Lumière en ruine
Extrait de Poèmes épars, 1912-1914
Retour (extrait)
Quand le soir respire un calme d’or, Forêt et sombre prairie devant, L’homme est regard, Berger habitant le silence crépusculaire des troupeaux, La patience des hêtres rouges ; Si clair, l’automne étant venu. Sur la colline Le solitaire écoute le vol des oiseaux, Le sens obscur, et les ombres des morts Autour de lui se sont rassemblées plus graves ; De frissons l’emplit l’odeur froide du réséda, Les cabanes des villageois, le sureau, Où l’enfant jadis habita.
Les poèmes sont extraits de Georg Trakl, Œuvres complètes, traduites de l’allemand par Marc Petit et Jean-Claude Schneider, Gallimard, NRF, 1972
1 réflexion sur “Georg Trakl, « L’homme est regard »”
MILLET Evelyne
L’auteur a-t-il pensé à Verlaine ? Le poème « Après trois ans » parle aussi de l’odeur fade du réséda.
L’auteur a-t-il pensé à Verlaine ? Le poème « Après trois ans » parle aussi de l’odeur fade du réséda.