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Ce que la vie me donne, je le confie au silence : Johannes Vermeer


Johannes Vermeer, La leçon de musique, 1662-1665, Royal Collection, Londres

Dans ma maison, j’ai accroché une première carte postale, La leçon de musique de Vermeer.


Ce que la vie me donne, je le confie au silence.
Sollicitant le pas sur tous les autres sens, il germe
dans l’amande, mon foyer ; retient les tambours avant qu’ils ne résonnent ; et se déploie lentement dans les cosses d’un lieu
où je suis,
fermant les yeux.
Est-ce encore le bruit du vent ? Si je suis fatiguée, je ferme la porte.

Alors, le silence prenant propriété de moi ouvre un précipice.
Vision rebondissant entre les murs ; le silence s’étend sur un sol dallé de blanc et noir.
Je le prie de s’installer doux avec moi et de me confier ses titres de possession.

Car ma quête
est bien d’une maison,
un lieu dans l’espace où je sollicite ma présence ; un domaine familier où toute aile sera dépliée, toute solitude bannie et l’erreur corrigée.

Pour que tout soit à sa place, je pose ma main sur les meubles.
Ils sont là pour cela. Pour payer mon passage, aider à ma transformation en me gardant vive au cœur de ce qui est immuable.

Ne m’oubliez pas, dis-je au pichet blanc, au miroir, à la table aux pieds contournés, au tapis sur la table, au fauteuil et au violoncelle.
Je demeure étonnée devant la métamorphose du silence à user son immensité sur des objets mineurs.

Cependant, lorsque Vermeer ouvre les volets, le jour entre dans la maison ; le pinceau lance en l’air tant de blancheurs nouvelles qu’il rend chaque chose très fraîche et sonore sous ces retrouvailles.

Ce qui s’endormait alors – où mon cœur s’oubliait -, chevauche maintenant une rumeur claire.
Oui, oui, dit mon cœur, qui se sauve à son tour hors de la maison.



Anne-Marie Zucchelli, automne 2023

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