Isabelle Poncet-Rimaud, « Sonia Elvireanu, un regard infusé de lumière »
Lecture par Isabelle Poncet-Rimaud du recueil de Sonia Elvireanu, Le regard… Un lever de soleil /Lo sguardo… Un’ alba, traduction Giuliano Ladolfi, Giuliano Ladolfi Editore, 2023
Prix François-Victor Hugo de la Société des Poètes Français – 2023
« La langue de la lumière »
Dans ce nouveau recueil de Sonia Elvireanu, tout est une question de lumière, éclairage du regard que l’on pose sur l’impénétrable, sur l’apparence, le visible, le mystère de l’invisible et de l’absence, sur la beauté du monde en noir ou en couleur et ce regard nous entraîne sur les sables de la quête du poète, celle de l’Amour et de l’art qui font se lever le soleil du sens et de la vie.
Ce beau recueil de Sonia Elvireanu ne se laisse pas aborder si facilement. Il s’ouvre et se referme sur le dialogue entre deux regards : la parole d’un peintre qui bute sur le mur des vers du poète, se sent étranger au mystère qu’ils recèlent. Il est difficile de pénétrer le mystère des vers, /impénétrable, je suis comme un mur/ dit-il – Il n’y a pas de mur à ne pouvoir décrypter, lui rétorque le poète : le langage des vers et celui de la couleur sont à même de faire se lever le soleil. Car le mur parle, à sa manière. Il oblige à regarder, à découvrir le travail de la lumière, à le franchir et à regarder le monde derrière lui qui s’y reflète.
C’est donc le regard qui fait advenir la lumière. Pinceau du poète, il rejoint celui du peintre qui rompt la nuit profonde de l’être par la touche de couleur qu’il y met comme le poème, lui, s’illumine d’un grain, noyau de vie.
Dans l’œil qui regarde s’allument ou s’éteignent /les couleurs de la vie nous dit le poète.
Décrypter serait donc accomplir son destin, sa mission sur la terre …Trouver le sens, percer l’impénétrable, entrer dans l’univers de l’autre peut être un défi. Ne pas se sentir compris est une blessure :
« Quelqu’un ne comprenant pas mon rêve, a secoué l’échelle, /un éclat de verre pointu ronge la ficelle maintenant, /il déchire petit à petit le rayon de lumière« »
Mais la vie coule dans tout désert et la langue de la lumière finit, elle, par ouvrir le cœur.
« Ombre infinie de l’attente »
Sonia Elvireanu est un poète qui parle dans une langue peu connue, une langue singulière faite de la lumière du ciel accoudée aux fleurissements du souvenir, de la beauté du monde et de l’amour. Ses poèmes sont accompagnés de présence ou d’absence sans qu’il soit toujours possible de savoir qui est l’ombre de qui. Ombre infinie de l’attente qui ajoute au charme du mystère poétique. Et nous laisse pressentir une présence suggérée, celle d’un Absolu vers qui se dirige sa marche.
La poésie toute de délicatesse, de touchers aussi subtils qu’ailes de papillon, de traces légères et de douleurs contenues de Sonia Elvireanu nous entraîne vers les rivages verts/et bleus du silence poème.
Ainsi, ce superbe poème :
Une feuille d’érable emportée
par le vent verse sur mes genoux
le sang d’une plaie profonde,
Les eaux de l’attristement
de la solitude,
la pointe d’une flèche,
La feuille sanglante d’érable
La feuille de l’amour étoilé
tourbillonne vers les rivages éloignés
Sonia Elvireanu, dans ce recueil-ci, nous emmène sur les sentiers du monde, qu’ils soient ceux des sables du désert, de la Grèce ou du paysage familier. Dans la brume laiteuse ou la lumière crue, ils gardent en eux le noyau du mystère, cet œil du ciel…
Les couleurs, les senteurs, la vie en ses broussailles, l’eau, source ou mer, les ciels et les ponts entre deux mondes que sont les arcs-en-ciel, ces éléments qui forment l’univers du poète dans toute son œuvre poétique prennent ici une nouvelle gravité teintée d’attente tantôt offensée tantôt apaisée, symbolisée par l’ombre constamment présente.
Malgré toutes les résistances, rien ne peut s’opposer au rayon de lumière qui conduit à l’heure destinée au cœur du mystère caché dans la touche de couleur ou le mot du poème et devient alors, éclat vivant d’un don qui s’offre.
De la blessure a surgi la vie. L’art du peintre et celui du poète ont déchiré le noir et franchi le mur de l’impénétrable. L’un comme l’autre a fait se lever le soleil.
Isabelle Poncet-Rimaud – février 2024
Le regard … lever de soleil
« Un mur », écrit le peintre,
Je vois tous les murs en couleurs,
bleu, violet, jaune, vert, orange
ou un mélange qui réabsorbe les couleurs,
le mur peut être une métaphore,
le vers une couleur, l’inscription :
« Ne dépouille pas les mots de levers de soleil »
la sensation d’impénétrable se brise ainsi
un mystère existe dans tous les coins du monde,
le regard est lever de soleil.
Un rayon de lumière
Rien ne s’oppose à la lumière,
même pas l’homme-mur,
il peut s’emmurer tout seul
sombrant dans les ténèbres de son esprit,
à l’heure destinée,
la nuit fond en lui,
coule telle le cierge allumé
un rayon de lumière grandit en lui.
Le don
On portait sur nos épaules blessées
de trop lourds fardeaux, on traversait
le dos courbé les matins,
sans être touchés par leurs scintillements,
on s’est rencontré en été,
deux voyageurs épuisés,
une brise étrange a enlevé
de nos épaules tous nos chagrins,
des ailes de papillons ont poussé sur nos corps
et notre envol évoquait une lumière.
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