Slamer avec Mathieu Amans et Fab Rebel
En clin d’oeil à mes amis poètes slameurs, Mathieu Amans et Fab Rebel, que j’ai eu à plusieurs reprises le plaisir d’écouter dire leurs textes, voici des extraits de leurs ouvrages : Parler-vrai mais pas fort de Mathieu et Le cancre slam de Fab.
Ils sont poètes et slameurs : mettent leurs mots en voix, les mettent en corps. Le slam emporte dans son mouvement le poème, le poète, l’auditeur …
« Moi si j’écris, ce n’est pas pour décrire, mais pour m’écrier », dit Mathieu Amans.
Dans leurs textes, il est question d’amour, de silence, de nature, de peur, d’enfance. Ils affirment leur engagement. Partout ils font place au visage, à la silhouette, aux mots des autres.
Alors quoiqu’ils puissent dire …
« J’suis plus dans l’thème. J’suis plus dans l’game. J’suis d’aucun gang. Vise ma dégaine. J’crois plus en moi-même, ni qu’tout l’monde s’aime. J’ai pris le seum. » (Mathieu Amans)
… leur présence et leurs textes assurent la vitalité de la poésie !
« On dit que ‘la poésie sauvera le monde’. Pas sûr, mais elle a sauvé le mien » (Fab Rebel).
Mon peuple
« Mon peuple a oublié son insurrection à la Révolution Française.
A l’heure où, sans qu’il ne réagisse, on lui brandit sans cesse l’étendard du sacro-saint principe de réalité pour relativiser la portée du creusement des inégalités.
Mon peuple a oublié sa révolte de la Commune de Paris.
A l’heure où, chez lui, le degré d’avarice jamais ne varie dans la course au profit de possédants souvent pas nets jouissant sans partage ni discernement des richesses de la planète.
Mon peuple a oublié ses luttes du Front Populaire.
A l’heure où il sommeille dans sa servitude volontaire, où tous ses biens communs disparaissent puisqu’on les privatises et où ses foyers de résistance s’éteignent puisque trop peu les attise !
Mon peuple a oublié son rêve général de Mai 68.
A l’heure où, hors de chez lui, tous ses capitaux prennent la fuite et où l’imagination n’est guère plus au pouvoir que pour lui reprendre, un à un, ses acquis, avec son bon vouloir.
Où est passé mon peuple, mon peuple épris de démocratie ? Où est passé mon peuple ? Mon peuple est pris de crise d’amnésie!
Mon peuple doit réapprendre de cette première citation : « Un peuple qui ne connait pas son passé, ses origines et sa culture est comme un arbre sans racine. »
Marcus Garvey prônait pour les descendants d’esclaves déportés le retour en Ethiopie. En réponse au colonialisme, il avait créé une utopie !
Mon peuple doit réapprendre cette seconde citation : « Un peuple qui élit des corrompus, des renégats, des imposteurs, des voleurs et des traîtres n’est pas victime ! Il est complice. »
George Orwell, l’auteur de ces mots, a lancé l’alerte, nous a prévenus que notre fascination pour Big Brother précipiterait notre perte !
La résignation de ma nation n’est pas fortuite. leurs campagnes publicitaires ne sont jamais gratuites.
Leurs propagandes s’adressent à nous pleine de perversité, afin que nos libres arbitres n’aient plus droit de cité, afin que naisse, servile, comme par enfantement, le désenchantement, dans leur fabrique de notre consentement.
Alors, fini de nous laisser aller, fini de les laisser faire. Notre espèce descend de Lucy et non pas de Lucifer !
Où est passé mon peuple, mon peuple épris de démocratie ? Où est passé mon peuple ? Mon peuple est pris de crise d’amnésie ! »
Mathieu Amans, Parler vrai mais pas fort, Editions Porte 7, 2024
Quartier populaire
« Moi, j’adore rentrer tard le soir.
Les pas sur le trottoir, la musique des zonards…
c’est un quartier populaire,
des travaux, des travelos.
De Danton au Bistrot en passant par chez Théo, chez Momo,
avec les gigolos, les écolos, les prolos.
La gentrification a du bon, quand t’as connu la prison.
C’est un quartier populaire, des quinquas débonnaires, des loubards, des gavroches.
Des gars qu’ont sous les yeux des poches et pis le vendeur de sacoches,
Le Tonton tête de pioche.
C’est un quartier populaire.
A no man’s land, a no man’s land, a no man’s land, a no man’s land.
Du Rond-Point au tramway un no man’s land is my way.
My way is no man’s land, my way is no man’s land, my way is no man’s land.
Il y a Fernande la Marchande, avec elle, toute sa bande.
Des clopes en contrebandes.
Il y a aussi la ménagère, la femme d’affaires, la boulangère, la poivrote fière.
No dress code, mais y a des gens à la mode.
Sandales, chaussettes, futals, baskets.
Qu’t’aies des locks, un bombers, une burqa, un pyjama,
qu’t’aies un voile, qu’t’aimes la voile.
Du bol d’être en sécurité, dans toutes ces mixités.
Vaccinés ou pas, les gens sont responsables, moi j’y crois.
Le monde fout le camp, un ptit joint de temps en temps,
de la musique tout le temps, du garage, du quatre temps.
C’est un quartier populaire.
A no man’s land, a no man’s land, a no man’s land, a no man’s land.
Du Rond-Point au tramway un no man’s land is my way.
My way is no man’s land, my way is no man’s land, my way is no man’s land.
… »
Fab Rebel, Le Cancre slam, Editions Le Tirelarigot, 2024
Fab Rebel, Le cancre slam, Editions Le Tirelarigot, 2025
avec des dessins de Sébastien Fleury
Certains textes sont accompagnés d’un enregistrement audio accessible par un QR code.

