Jean-Marc Barrier, La nuit élastique
Dans le travail de Jean-Marc Barrier, j’aime l’attention portée à l’intervalle qui semble séparer irrémédiablement le poète du monde.
Jean-Marc Barrier est aussi plasticien. Lorsqu’il peint, brode ou écrit, il joue de l’entrechoc de lignes, de nappes, de points sur la feuille blanche et de mots entre les silences où s’éveillent des images à traverser : » c’est l’écart que tu prononces « , dit-il.
Ecart :
Le recueil La nuit élastique franchit l’espace d’un » double monde dehors dedans « , affleurant en des questionnements, des combats et un abandon, en la grâce désirée d’un flux et une instance éphémère qui contredit toujours le désir d’éternité.
Les mots sont des amers, repères placés dans la cadence de la phrase. Lorsque la respiration s’élargit, des signes se lèvent comme des turbulences.
Apparitions, oui, car « le corps finit dans les yeux », écrit le poète-peintre. De la camera obscura – chambre noire ouvrant le recueil, où » jamais je … toujours naître / et nulle aube ne sera blanche » – à la camera lucida – chambre claire – « , s’éloigne la poésie des ruines « .
Depuis ma place de lectrice, durant ces moments où la lecture fait se lever en moi, avec le même caractère tout à la fois subtil, impalpable et insistant, les signes apparus au poète, je me saisis moi aussi des mots jalons dont je décrypte le témoignage.
Le monde double de La nuit élastique n’est pas un objet, mais un milieu parfois animal et parfois végétal, où l’être cherche à comprendre sa place dans » le bleu infini « .
Arbres, eau, pavots et mauves, ciel, dune, roches, pluie, étoffe de la nuit… occupent le poème. Pourtant le poète y est bien présent. Il apparaît en notations rapides, « il », « je », « l’être », « tu », échappant à toute clôture grâce à l’inclusion de l’être dans le paysage.
C’est alors le moment périlleux. Car sait-on jamais quand, avant de s’effacer à nouveau, une présence advient et n’a d’autre objet que d’être un effet de lumière ?