Madé, “Au fil des lumières”
Madé expose à la galerie la Glacière une série de peintures rassemblées sous le titre “Au fil des lumières”. Dans un entretien diffusé dans l’exposition, la peintre évoque combien l’ont émue les « blancs vaporeux » et l’« écriture des gris sur les bords de nuages qui ne tombaient pas » d’Eugène Boudin, ainsi que les « ciels immenses, fascinants, toujours en mouvement… Des couleurs, des transparences, des formes insaisissables » des paysages du Havre où elle s’est installée pour “être au plus près de la lumière”.
Entrer dans l’exposition, se rapprocher des panneaux peints, s’arrêter. Pas de figuration, jamais. Nulle forme qui ouvrirait la porte d’un paysage maritime. Partout des gris, gris blancs, rosés ou teintés de vert, de rouge … “gris tout doux”, “gris rebelle”, “gris câlin”, “gris contrebasse”, “gris de citadelle” … règne des gris dans le royaume des lumières.
Le paysage a-t-il cessé de vivre ? A la contemplation de ces panneaux, il apparaît qu’il n’est pas qu’une réalité de lignes et de volumes. Un remuement ténu passe à la surface des peintures, de l’une à l’autre, un peu au-dessus de la matière, par-dessus son onctuosité, ses jeux de glacis et de transparences. Une vibration éparse de couleurs que l’on devine à travers les gris, que l’on perd de vue pour les retrouver ailleurs et différentes. Rien que la vibration de la lumière, presque immobile, et au milieu de son champ, infinie.
Regarde. Regarde donc, écoute, respire. Ce qui avait pour nom mer, ciel, terre quand cela s’assemblait en lignes et en volumes, s’échappe dans l’instant d’une éclaircie qui éblouit, d’une ombre au passage d’une aile. Il y a de l’air qui sourd là, et là.
Comment trouver une matière assez transparente pour la faire rayonner. Toucher du pinceau la fragilité de la lumière qui est aussi sa force. La distribuer ici et là, différente. Rêver d’obtenir une densité sans ornement et sans détour, tracée avec rigueur dans le simple intervalle d’un rectangle ou d’un carré.
Les panneaux peints de Madé tiennent l’accord entre l’immédiateté et la durée.
A s’arrêter devant ces peintures regroupées par deux, par quatre … on entre dans le cercle d’un horizon, entre les gris et les blancs d’un ciel qui parfois se colore. Ce serait, juste encore visible avant l’éblouissement, les yeux fermés sous le soleil, une sorte de palpitation chuchotant. Murmure lointain et merveilleux comme s’arrondit dans l’air parfois le bruissement d’un feuillage. Alors, devant la nature exubérante des bords de mer, le calme des couleurs installe des silences.