« Dans mon âme industrielle », écrire avec Yann Dupont devant les paysages du Havre

Comment dire la ville, ses rues, ses passants, son atmosphère ?
Dans le clair paysage du Havre, le 23 mars dernier, Yann Dupont nous a conviés à une randonnée-atelier d’écriture à l’occasion de la « Criée des poètes » organisée par Lignes d’Horizons et La Petite Librairie. Nous avons grimpé sur les hauteurs du boulevard Félix Faure qui domine la ville et donne à la voir du port industriel jusqu’à la plage. Le jour avait cette gaîté rieuse de gris bleus contrastés de nuages. Nous nous sommes assis devant le paysage, le stylo à la main comme un crayon et un carnet à dessin.
Quelques textes de Yann ont été les fils conducteur de nos écrits. Ils étaient tirés des recueils inspirés par la ville et son port, parmi lesquels Brumes industrielles.
« Les nuages à même le sol », « la gouaille des galets », « le béton rose », « les goélands transatlantiques »… les mots sont posés sur des sensations tenaces. Des contradictions. Nulle certitude. Mais un chant pour aimer le gris des brumes, du bitume, de la plage de galets, les bruns, les rouilles et les « cendres bleues du petit matin ». Quelques couleurs pour tracer le portrait d’une ville, la splendeur et l’usure des lumières posées sur l’amertume d’un paysage industriel, l’espace où s’amassent ses rues et la délicatesse d’un horizon qui la libère.
Un porte-conteneurs dans mon âme industrielle décharge des tonnes de solitudes
Elles ont traversé les océans d’autres villes les mégapoles de l’oubli et le travail à la chaîne.
Quand le soir bleu pétrole tombe sur la mer d’huile j’aime les retrouver
Près d’une lucarne triste on contemple l’horizon
Sous l’œil d’un goéland rieur
La gouaille des galets a la couleur des goélands
Elle parle de la bruine des gens du port
Des bruits de la ville à dix heures du soir
Mais quand ruisselle le cliquetis des mâts
Le long des avenues aux vents de minuit
On discerne à peine le roulis de ses mots
Il rêve d’un café aux mosaïques surannées
Un verre de pernod sur le formica d’une table éméchée
Il rêve d’un vieux docker échoué sur le boulevard
Du temps long de l’ennui les soirs d’été
Quand les derniers transatlantiques ont quitté les quais
Il rêve d’un temps où il n’était même pas né
Toujours n’être pas seul au seuil de l’orage
Quand les étoiles lessivées crèvent les nuages
Mon Je flotte amarré à la nuit fuyante
Et des jeux inconscients émergent inconsistants
Bouées des brumes hébétées au rivage du jour
Me ramènent assoiffé mendiant le secours
D’un autre que moi
Poèmes extraits de Brumes industrielles, recueil poétique, Hugues Facorat Edition, 2016

Vous pouvez suivre les activités de Lignes d’Horizons : https://www.facebook.com/Verslehavre/
et de La Petite Librairie : https://www.facebook.com/p/La-petite-librairie-100092492154055/

