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Meta Kušar, « tous les sens se retrouvent sous la langue » (Slovénie)


Les mots de Meta Kušar éveillent l’étonnement. Ancrés dans le quotidien des jours, la spiritualité, la réflexion et la sensualité, les poèmes mettent en place un imaginaire qui prend toujours un cours inattendu.

Car la poète parle aux dieux depuis la table de sa cuisine. Le café au lait fume. Elle écrit les mains dans la pâte qu’elle pétrit. Elle ajoute l’estragon, allume le feu, range les pots dans l’armoire. Alors la fenêtre s’ouvre. Une ville apparaît, terrestre et mythologique à la fois. Meta Kušar convoque les habitants d’aujourd’hui et ceux qui se mêlent à nous sans être vus, mais dont elle reconnaît les traces : « les éternels, les mortels et les héros », les rois, les reines et les prétendants, les combattants d’aujourd’hui et les divinités de toujours, Indra, Jésus, Krishna, Zeus ou la vestale Hestia, la gardienne du feu.

Au départ, donc, sont les mains. « Tu as des mains de paysanne », lui dit son père. Des mains à la bouche, les mots régalent comme « une potitza chaude aux raisins», car « tous les sens se retrouvent sous la langue ». Le corps de la poète est tout entier donné à la présence. Pour écrire, elle va « tendre l’oreille sous les saule » et « [s’]accroche à un tronc d’arbre ». Elle note la chaleur et « l’odeur du réel (…) clairement perceptible ».

La nature bouscule et apporte des révélations en même temps que la compassion. Elle permet à la poète de poser sa tête contre celle de l’éléphant d’Indra et de déjeuner avec le tigre. À la femme « fatiguée, orpheline de larmes, vide », elle offre le devenir oiseau. Alors Meta Kušar, « de son petit bec, (…) broie le destin en miettes et le fait histoire ». Tout est remis en question et interrogé. Les gestes quotidiens, les parfums, la chaleur de la cuisine, les plantes et les animaux offrent en réponse une vitalité qui fuse.

Lorsqu’un « craquement croustillant fait éclater tout ce qui est banal », une prière monte. D’ailleurs, écrit-elle, « on est un bon poète si on éclate, / comme une asperge en primeur ».

Note de lecture par Anne-Marie Zucchelli


Traductions françaises envoyées par la poète. https://www.poetryinternational.org/pi/poem/5203/auto/0/0/Meta-Kusar/3/en/tile

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