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Raed Wahesh, Jusqu’à la fin des fins (Palestine)

Le recueil du poète palestinien Raed Wahesh, Jusqu’à la fin des fins, interroge radicalement le sens de l’écriture dans la vie.
D’un côté la barbarie, l’assassinat de son jeune frère de 16 ans dans les geôles syriennes. De l’autre, une existence qui se poursuit malgré tout. Avec ses mises en scène. Ses masques inutiles.
Entre les deux, au point précis de la bascule, se situe la parole.
Pour que la bouche demeure ouverte dans la stupeur, pour que le vide y chute encore et encore, pour que dans le silence le cri poussé fende enfin le corps, alors le poète écrit. Là germe la présence. Irréductible à l’absence, à la mort et, plus important encore, à l’oubli.


« Je » et « tu » écrit le poète, notant les mots du frère, de la mère ou de lui-même, qui passent à travers lui. Tous sont tour à tour et à la fois l’« absent », l’ « étranger » et l’ « ami», doutant de savoir qui vit et qui est mort. Le reste – paysages, rythme des saisons, hommes et femmes – pousse la douleur à son comble.
Seule une « cadence » est acceptable. Celle des mots, semblables aux battements du cœur commun qui les réunit. Trois temps pour la « Rue » et cinq pour l’« Absence ». Les temps se succèdent. La douleur est un continent inépuisable. L’écriture l’aborde à pas bien ancrés dans ce qui fait mal. Au centre du recueil, le poète place « Le mort », « Les parents », « Le mort et ses parents ». Et puisque que la barbarie règne en ce pays, le territoire s’ouvre aux « Gens dans la guerre ».

Raed Wahesh écrit la perte, cet éternel point de fuite. Et ses reconquêtes, un désir de mort, le fantôme en soi, une acceptation de la vie, ce « bombardement » qui « n’est que cadence… cadence ».

Note de lecture par Anne-Marie Zucchelli













Raed Wahesh, Jusqu’à la fin des fins, Al Manar, 2021




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