nouages

éclats du jour

“Les petits vols de l’inconnu sur l’horizon”, Iro Nikopoulou (Grèce)

Miguel Casado, Théorie de la couleur

Miguel Casado, Théorie de la couleur Avec le temps, la couleur change et reste à définir ; on cherche ses secrets, ses règles, ses mesures, ses retards, parfois ses échecs. Les yeux incertains et le regard, le passage des glacis, des noms, des lointains. Reste la tension du regard, la fragilité de la pensée dans le vif désir du réel, dans le risque même d’inventer, avec des visions, les réponses. Parfois, sur quelques pentes, la couleur s’arrête à de soudaines limites. Un souvenir brisé et étrange de terres de vignes que les feuilles cachent ou d’ oliviers ou l’absence soudaine d’ aiguilles de pin. Sur quelques pentes; la couleur s’arrête, et il n’y a rien. Aucune peau ne se fait signe; comme un squelette, la terre est nue, les pierres roulent comme des yeux, mots pour ne plus rien dire. Rien n’est plus éloigné du silence que ces sonnailles de rien, que cette poussière de tant d’images. Rien rien au-delà du silence. Sur quelques pentes, la vie s’arrête, sans aucun lieu. El día escinde la percepción al colorear la tierra. Limita el dolor con la promesa del tiempo. Presenta lo ya vivido como imagen de lo por vivir. Le jour scinde la perception en coloriant la terre. Limite la douleur avec la promesse du temps. Présente le déjà vécu comme l’image de ce qui est à vivre. Invernales (Hivernales), Premio Arcipreste de Hita, 1985. Réédition partielle de ces poèmes sous le titre :Parauna Teoría del Color (Pour la théorie des couleurs), Nómadas, 1995. Parution en version française, Théorie de la couleur, trad. par Jean-Gabriel Cosculluela, Ed. Propos 2, 2006, coll. Propos à demi

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“Dans mon âme industrielle”

“Dans mon âme industrielle”, écrire avec Yann Dupont devant les paysages du Havre Comment dire la ville, ses rues, ses passants, son atmosphère ? Dans le clair paysage du Havre, le 23 mars dernier, Yann Dupont nous a conviés à une randonnée-atelier d’écriture à l’occasion de la “Criée des poètes” organisée par Lignes d’Horizons et La Petite Librairie. Nous avons grimpé sur les hauteurs du boulevard Félix Faure qui domine la ville et donne à la voir du port industriel jusqu’à la plage. Le jour avait cette gaîté rieuse de gris bleus contrastés de nuages. Nous nous sommes assis devant le paysage, le stylo à la main comme un crayon et un carnet à dessin. Quelques textes de Yann ont été les fils conducteur de nos écrits. Ils étaient tirés des recueils inspirés par la ville et son port, parmi lesquels Brumes industrielles. “Les nuages à même le sol”, “la gouaille des galets”, “le béton rose”, “les goélands transatlantiques”… les mots sont posés sur des sensations tenaces. Des contradictions. Nulle certitude. Mais un chant pour aimer le gris des brumes, du bitume, de la plage de galets, les bruns, les rouilles et les “cendres bleues du petit matin”. Quelques couleurs pour tracer le portrait d’une ville, la splendeur et l’usure des lumières posées sur l’amertume d’un paysage industriel, l’espace où s’amassent ses rues et la délicatesse d’un horizon qui la libère. Un porte-conteneurs dans mon âme industrielle décharge des tonnes de solitudes Elles ont traversé les océans d’autres villes les mégapoles de l’oubli et le travail à la chaîne. Quand le soir bleu pétrole tombe sur la mer d’huile j’aime les retrouver Près d’une lucarne triste on contemple l’horizon Sous l’œil d’un goéland rieur La gouaille des galets a la couleur des goélands Elle parle de la bruine des gens du port Des bruits de la ville à dix heures du soir Mais quand ruisselle le cliquetis des mâts Le long des avenues aux vents de minuit On discerne à peine le roulis de ses mots Il rêve d’un café aux mosaïques surannées Un verre de pernod sur le formica d’une table éméchée Il rêve d’un vieux docker échoué sur le boulevard Du temps long de l’ennui les soirs d’été Quand les derniers transatlantiques ont quitté les quais Il rêve d’un temps où il n’était même pas né Toujours n’être pas seul au seuil de l’orage Quand les étoiles lessivées crèvent les nuages Mon Je flotte amarré à la nuit fuyante Et des jeux inconscients émergent inconsistants Bouées des brumes hébétées au rivage du jour Me ramènent assoiffé mendiant le secours D’un autre que moi Poèmes extraits de Brumes industrielles, recueil poétique, Hugues Facorat Edition, 2016 Vous pouvez suivre les activités de Lignes d’Horizons : https://www.facebook.com/Verslehavre/ et de La Petite Librairie : https://www.facebook.com/p/La-petite-librairie-100092492154055/

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Pulpe rouge le sang du rêve, Lambert Savigneux

“Pulpe rouge le sang du rêve”, peinture et poésie de Lambert Savigneux Couleurs : pigments distribués dans l’eau ; mots aussi, ces images en éclairs qui traversent le langage et s’y nouent fermement. Le travail de peintre et de poète de Lambert Savigneux se nourrit d’un double regard et partout de couleurs. En elles – règne de l’image – les différents aspects du monde se frottent et se ravivent. Ecrire ou peintre pour ne pas raconter. Regarder plutôt. Se saisir d’éclats et, dans un décalage immédiat, provoquer l’irruption du monde. La grande balafre Même si La grande balafre accroché à la carcasse du monde vieux c’est la solitude coupée de la vitalité Sur l’autre rive les cent défaites de toutes les défaites plus nette est l’étincelle la mémoire portée en rive ces chapelet des graines rouges éclatent au toucher comme pour les couver de la paume le songe de la folie affabule la source  ci git la dérive pulpe rouge le sang du rêve. à partir dans le non-dire le oui -dire le rire émietté Le sang dans la bouteille les vagues sur une fleur épineuse les crocs de l’énergie rode dans un trou noir phare une épave, l’humain veille du sol vert sur le sol duvet aérosol sur le monde l’affolement des oiseaux dans les branches (extrait de “La grande balafre”, Dogside) Trans/i La transamazonienne des coups de pelles et des répressions virales le rideau est tiré sur le rêve au havre déjeté de la forêt des fleurs des hommes jaguar et des pierres précieuses sur les visages sous les hauteurs des gouffres végétaux animaux et l’esprit sauvage la poussée intranquille au balancement des cimes ramené dans des coffres forts pesé en boîtes numériques à l’équation en suites binaires Alors que ça souffle que la richesse dans le silence et la couleur crie et  tue (extrait de Paléofolia) Pour retrouver les peintures et les poésies de Lambert Savigneux : https://aloredelam.com/

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“De plénitude rose, revêtu de ce rose”

“De plénitude rose, revêtu de ce rose”… Revue alsacienne de littérature Dans le dernier numéro de la Revue alsacienne de littérature, intitulé “Demain”, parmi tous les textes, je suis allée vers ceux qui célèbrent le faste des couleurs. Bleu, roux, rouge, gris pâle, rose … les couleurs sont les pensées. Nous y rencontrons le monde. Elles aimantent nos regards. Nos compréhensions passent à travers elles. N’importe laquelle est un bienfait. Couleurs, ne jamais vivre mieux qu’en ressentant. “Ce soir le ciel n’a pas les yeux bleus du désert Sept heures en été c’est loin du crépuscule mais la pluie en partant a volé tous les verts anisé des prairies caché les cœurs de gui feutré les tuiles rousses aux bras des collines cossues J’ai dit “Oui” à l’irréfutable et je poursuis ma route en me fiant là-haut à des dragons lovés esclaffés dans des champs de perles Ils sont fumeurs de brumes et attisent vers moi des bûchers de pénombres Mes autels de païenne font monter des credos vers tout ce qui s’effleure Les blancs entre nos rives défilent ici même des lionceaux feuillus viennent déjà y boire L’irréfutable rit et je lui dis : “Encore” Anne-Marie Soulier, “Skylines”, p. 35 “dans le vaste monde les mêmes trois couleurs sous le feu la braise rouge feu sous la peau le sang rouge sang et la semence pâle comme blanc d’œuf le poème existe partout sous les formes les plus changeantes mais les trois couleurs constantes font ressembler l’homme à l’homme” Gaston Jung, extrait de “Braise sang semence”, p. 33 Des ailes sous l’oreiller “Des plumes diaphanes flottent au-dessus du lit gris pâle, bleu translucide La peau du visage légèrement colorée, les paupières tremblent, fragiles, mi-closes. Des ailes à la fenêtre blanche et fortes. Absence du corps. Des dessins tracés sur les couvertures. Des lignes inégales, des touffes de laine. La respiration lente du dormeur. Les mains frêles. L’ombre des plumes.” Andrea Moorhead, extrait de “Dans la splendeur de ton absence”, p. 43-45 “aube, belle arche de plénitude source à ciel ouvert aux hauteurs des pics joie haussée vers un lendemain si clair comme la pointe naît à la pointe de la fleur rose apparue en sa grâce d’aube née sous sa poussée demain n’en finit pas d’advenir de plénitude rose revêtu de ce rose” Anne-Marie Zucchelli, extrait de “Les lendemains affleurants”, p. 54-55 “Dans un soupir le chant des coquelicots Dans la danse des blés points rouges des coquelicots A la porte de la chambre une haie de coquelicots Ferme les volets sur la buée Un plongeon dans le rouge Eternité rouge des pavots Une couleur pour demain” Martine-Gabrielle Konorski, p. 72 Revue alsacienne de littérature, n°140, “Demain”, 2ème semestre 2023

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Caroline Hayeur, Radioscopie du dormeur

Caroline Hayeur, Radioscopie du dormeur L’invitée d’honneur du festival photo Are you experiencing ? est Caroline Hayeur. Elle présente dans le hall du Théâtre de l’Hôtel de ville du Havre une installation combinant photographies et vidéos d’hommes et de femmes en train de dormir : Radioscopie du dormeur. La photographe propose au visiteur une déambulation entre de grands tissus dressés, comme des fenêtres ou des draps qui sèchent et qu’un courant d’air bouscule. Dessus, des images de corps abandonnés au sommeil. Vertige de la verticalité suscitant une danse des corps endormis à mi pente, tout en haut ou à l’oblique du lit. Sur les noirs, les gris et les blancs de la photographie, dans leur matière même, le grain du tissu fait comme une couche de sable déposé à la surface. Ce sable qui se pose sur le dormeur et l’ensevelit. Délicates images où le sommeil se laisse saisir dans des lignes qui fuient et d’autres qui s’entremêlent. Sommeil soufflé dans l’image. Chastes images. Jubilation de découvrir les dormeurs comme on se voit soi-même, dans l’émotion intense d’une révélation, une effusion des profondeurs. Sous les mouvements doux des draps suspendus et des gestes enregistrés par l’image, nous entrons dans le paysage lointain et incertain du sommeil, mélange d’ardeur et de distance. Sa mémoire révélée par une image, interminablement fixée en nous. Caroline Hayeur, Radioscopie du dormeur, invitée d’honneur du cadre du Festival photo Are you experiencing ? sur le thème “La nuit, je voyage”. 17ème parcours photographique urbain du Havre à Sainte-Adresse, 29 mars-30 avril 2024 – https://areyou-experiencing.fr/ Pour retrouver les projets de Caroline Hayeur : https://art.carolinehayeur.com/

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Anise Koltz, Galaxies intérieures

Anise Koltz, Galaxies intérieures Mes mains sont sans géométrie aucune mais le monde entier est inscrit dans mes paumes _ Qui sait qui je suis ? Mes empreintes digitales changent chaque jour _ Ma tête tourne autour de soleils inconnus Je m’éloigne de plus en plus de moi-même divisée en de nouvelles possibilités de lumière Soleil sans fin cloué dans le ciel je m’ouvre à ta distance La distance étant notre proximité Tu te lèves et te couches avec moi Chaque rayon désigne une soif qui me dépasse qui me fait exister Chaque poème que j’écris existe depuis toujours Voyageant avec la lumière je le capte Le faisant vibrer avec les herbes du champ Chaque jour le soleil se réincarne Officiant dans les champs il récite des litanies de sécheresse Après nous avoir marqués de ses tatouages Le soleil assoiffé boit nos ombres Pour lire l’œuvre d’Anise Koltz, on peut se référer à l’édition de “poèmes choisis” qu’elle a elle-même publiés dans la collection de poésie de Gallimard, sous le titre de Somnambule du jour en 2016. La préface que la poétesse écrit débute par : “Dès que j’écris une phrase, je suis désorientée et embarrassée, déjà, j’ai envie de la rejeter pour dire dans la suivante le contraire. C’est que j’ai toujours l’impression que l’essentiel m’échappe. La double face, le côté caché des choses.” Les derniers mots sont une invocation : “Notre langue est sacrée. Protégeons-la, veillons-la comme un feu qui ne doit jamais s’éteindre, car c’est lui qui doit éclairer la nuit du monde.” Anise Koltz, Galaxies intérieures, Arfuyen, 2013 https://editionsarfuyen.com/2018/12/14/galaxies-interieures/

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La Petite librairie accueille Véronique Maupas

La Petite Librairie accueille la poétesse Véronique Maupas Dans la poésie, j’écoute le silence. Il m’enveloppe si sûrement que je passe moi-même toute entière dans son tamis et j’entre dans un territoire où je m’aperçois que j’existais déjà. La poésie bâtit à l’intérieur de moi un espace. Je n’y possède rien. Je ne l’invente pas. Mais je désire cette architecture de silence que les mots, les musiques et les couleurs gravissent avant de se retirer. Lors d’une lecture publique, j’aime les moments où par la grâce des mots le silence monte. Il en a été ainsi un jour de lecture à la Petite Librairie, lorsque la poétesse Véronique Maupas est venue présenter son recueil, Le mystère d’être un corps, accompagnée par son éditeur, Mathieu Amans. Peut-être était-ce dû à l’intimité du lieu, aux murs de livres, à la simplicité de l’échange qui a précédé la lecture et aux textes offerts ? “Ami, / je te donne ma parole / tiens prends / mes pensées voisées / ou muettes”, nous a dit la poétesse. Je retiens de ce moment quelques poèmes. Ils ont développé en moi leur enveloppe de silence. Je ne sais dans quelle glaise j’enfonce mes pas dans quelle poussière je suis en terre sans idée claire des lieux où s’ancrent mes racines continuent-elles à pousser le sais-tu le vois-tu là où tu es est-ce que j’emmène mes racines là où je vais Transhumance Ma peau de silence s’aère piquetée de trous minuscules comme le millepertuis en interface entre les éléments du dehors et ceux du dedans L’œil de la nuit Je ramène la terre pour me couvrir jusqu’au menton dans le sang chaud de la roche océanique je ferme l’œil de la nuit L’œil de la nuit Le 3 février 2024, dans le cadre de l’événement “Poésir à Danton”, la Petite Librairie a accueilli la poétesse Véronique Maupas à l’occasion de la sortie de son recueil, Le mystère d’être un corps, Lignes d’Horizons, 2024. https://76lignesdhorizonsi.wixsite.com/lehavre

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Georg Trakl, “L’homme est regard”

Georg Trakl, “L’homme est regard” Décembre 2023 : “L’homme est regard, Berger habitant le silence crépusculaire des troupeaux, La patience des hêtres rouges…” écrit Georg Trakl. Une poésie couleur de l’incendie. Où les mots brûlent. Poésie fulgurante qui s’illumine et s’éteint pour mieux nous ouvrir les yeux. Mélancolie Ombres bleutées. O sombres yeux Qui longuement me regardent en passant. Des sons de guitare accompagnent en douceur l’automne Dans le jardin, dissous dans des lessives brunes. Les ténèbres graves de la mort naissent Sous des mains de nymphe, des lèvres rongées Sucent des seins rouges et dans des lessives noires Flottent les boucles humide de l’adolescent Soleil. Extrait de Crépuscule et déclin Occident (extrait) Lune, comme si un mort sortait D’une caverne bleue, Et des fleurs beaucoup Tombent sur le sentier rocheux. Quelque chose de malade pleure argenté Près de l’étang du soir, Dans une barque noire Des amants sont allés à la mort. Ou bien sonnent les glas D’Elis à travers le bois D’hyacinthe, Mourant à nouveau sous des chênes. O la forme de l’enfant Faite de larmes de cristal, D’ombres nocturnes. La foudre éclaire la tempe L’éternelle glacée Quand sur la colline verdissante Retentit l’orage de printemps. Extrait de Sébastien en rêve La nuit a avalé des visages rouges, Le long d’un mur de crin Un squelette d’enfant tâtonne dans l’ombre De l’homme ivre, rire brisé Dans le vin, tristesse ardente, Torture de l’esprit – une pierre se tait La voix bleue de l’ange Dans l’oreille du dormeur. Lumière en ruine Extrait de Poèmes épars, 1912-1914 Retour (extrait) Quand le soir respire un calme d’or, Forêt et sombre prairie devant, L’homme est regard, Berger habitant le silence crépusculaire des troupeaux, La patience des hêtres rouges ; Si clair, l’automne étant venu. Sur la colline Le solitaire écoute le vol des oiseaux, Le sens obscur, et les ombres des morts Autour de lui se sont rassemblées plus graves ; De frissons l’emplit l’odeur froide du réséda, Les cabanes des villageois, le sureau, Où l’enfant jadis habita. Les poèmes sont extraits de Georg Trakl, Œuvres complètes, traduites de l’allemand par Marc Petit et Jean-Claude Schneider, Gallimard, NRF, 1972

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“Lueurs” d’Eva Lemay Guerin, Ateliers de Sainte-Adresse

“Lueurs” d’Eva Lemay Guerin, Ateliers de Sainte-Adresse Un jour de grand vent, je suis montée le long de la mer jusqu’à l’Espace Claude Monet à Sainte-Adresse, pour découvrir l’exposition d’Eva Lemay Guerin, Lueurs. Une bande rose où coule un peu de bleu, choisie pour l’affiche, avait attiré mon regard. Paysage ou abstraction ? J’étais curieuse de découvrir un travail de peinture à l’huile et ce qu’une artiste d’aujourd’hui fait des lumières et des mers peintes avec tant de bonheur et de liberté depuis plus d’un siècle. Ce qui m’a touchée dans le travail d’Eva Lemay Guerin est une suspension de l’image à la limite de la représentation. Le goût de la couleur mène l’artiste. Peut-être est-ce à travers son excès même, sa présence pigmentaire si marquée, qu’Eva Lemay Guerin accède au paysage. Par ce qui en déborde. L’attente ici est lumineuse. Absorbée par l’immensité d’un paysage, ses mouvements visibles, ses ombres puissantes et ses lueurs emmenées. Cependant, pour l’exprimer il faut à la peinture toujours moins. Renoncer. Questionner la figuration. Aimer surtout les fines traînées de bleu sur le bleu, le glacis faisant leur eau plus mince sous le ciel. Réduire l’espace à n’être que le rectangle d’une toile. Le rendre à la dimension de notre regard. Alors le mouvement du pinceau sur la toile soulève les hésitations une à une jusqu’à gagner cette place en nous où vit un paysage double – mer, falaise, ciel -, serein sous tant d’incertitudes. Quelque chose ne m’abandonne jamais : l’observation de ce geste, la manière dont il se pose, son rythme et le pas qu’il m’amène à accomplir à mon tour. Peindre simplement cela, un passage. Simplement son équilibre fragile, signe émouvant d’une attente inexprimable autrement. J’inscris un instant mon existence dans cette matière picturale – pâte, grain, pigment – où s’invente toujours d’autres façons d’être au monde. “Lueurs”, peintures Eva Lemay Guérin, Ateliers de Sainte-Adresse, Espace Claude Monet, 2023 https://evalemaypeintre.com/ https://www.ateliersdesainteadresse.fr/evenements-expositions

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Regards sur la nature, chez Agnès Szaboova au Havre

Regards sur la nature, chez Agnès Szaboova au Havre Un après-midi de novembre, dans la galerie d’Agnès Szaboova au Havre. Dehors, vent et fraîcheur. Dedans, les œuvres accrochées suffisent pour que l’après-midi tournant à la pluie déploie une nature double, mouvante, colorée et vibrante. De cette visite, je retiens quelques impressions vives : Un envol de lumières et de couleurs, un indestructible rose, rouge de naissance, lampes allumées sur l’immense nature : ce sont les fleurs de Christelle Lollier Guillon. Au centre de la pièce, des vagues, vivaces miroirs, emportent le regard en leurs mouvements. Zuzana Kleinerová pose la feuille dans l’eau et laisse la mer agiter l’encre à son gré de source échappée, excessive. Dans l’immobilité d’un visible hiver, Thierry Farcy choisit l’incise et déplie une vision photographique semblable à une gravure sur roche. Du paysage, il reste peu de chose, si ce ne sont les lignes légères et incertaines d’une trame qui se répand comme un ruisseau. Thierry Farcy, Arbres morts, photographie Zuzana Kleinerová, ActionOceanPainting, encre sur papier Christelle Lollier Guillon, Champ de tulipes, impression numérique sur Dibond Christelle Lollier Guillon, Réjane, impression numérique sur Dibond Regards sur la nature – Jacques Blouin, Thierry Farcy, Philippe Guesdon, Zuzana Kleinerová, Christelle Lollier Guillon, Galerie Agnès Szaboova, Le Havre, novembre 2023 https://www.agnes-szaboova-gallery.com/expositions

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