nouages

novembre 2021

Giorgos Séféris, Journal (Grèce)

Giorgos Séféris, Journal (Grèce) « [Mon journal] ne veut même pas être complet. Ce sont tout au plus des traces qu’on laisse en passant, des pas sur la neige, pour rappeler cette pièce de Claude Debussy, les traces de quelques moments qui ne sont pas toujours les plus importants, mais les plus libres, ceux qui sont venus. » 14 novembre 2021 : les mots ouvrent des chemins qui se referment derrière eux. A peine prononcés, à peine entendus, ils entrent dans le silence. Seules demeurent leurs traces. Dehors, les feuilles qui se détachent tombent avec tant d’abandon. Georges Séféris, Journées, 1925-1944, trad., préf. par Gilles Ortlieb, Ed. Le Bruit du temps, 2021 https://www.franceculture.fr/oeuvre/journees-1925-1944 Claude Debussy, Des pas dans la neige, Préludes, livre 1, par Daniel Barenboim : https://www.youtube.com/watch?v=Iq0x_gM8tZg

Giorgos Séféris, Journal (Grèce) Lire la suite »

Tal Nitzan, « Le point de la tendresse » (Israël)

Tal Nitzan, « Le point de la tendresse » (Israël) Le point de la tendresse « C’est ici le point de la tendresse, Même si le cœur en silence fut englouti dans la ville comme une pierre – sache que c’est le point de la tendresse. Donne-moi la main de par le monde. J’ai vu une mère parler avec haine à son enfant tuant des mots, j’ai vu un bâtiment se plier en poussière, étage sur étage, lentement – combien il nous faut de pitié combien nous devons apaiser. Quand la nuit se referme sur la nuque privée de baisers c’est irréparable: à l’étouffement dans chaque gorge, un seul remède, regarde, tout simplement, c’est le point. » 11 novembre 2021 : c’est le brouillard qui apaise en premier. Puis vos visages, beaux à trancher la lumière. Ma tendresse appareille. Tal Nitzan, Soirée ordinaire, traduit de l’hébreu, Al Manar, 2011, coll. Voix Vives de Méditerranée en Méditerranée https://editmanar.com/book-author/nitzan-tal-1/ et https://talnitzanpoet.wordpress.com/

Tal Nitzan, « Le point de la tendresse » (Israël) Lire la suite »

Marc-Henri Arfeux, Verger du cercle dévoré (France)

Marc-Henri Arfeux, Verger du cercle dévoré Le deuil. Pays blanc « Il est nuit, ce matin par la blancheur / de ce brouillard », « en ce jardin d’hiver qu’est ma maison ». D’un poème à l’autre, la brume enveloppe le Verger du cercle dévoré, nie les distances et approche de si près son visage de mort que le poète ne voit plus que lui. Le recueil est un livre de deuil que Marc-Henri Arfeux consacre à la mémoire de deux mères. Douleur. Et ruines. Il fait presque nuit et jamais tout à fait jour dans ce Verger. Un enfant demeuré vivant dans le corps de l’homme cherche l’accès au territoire rayonnant que sa mère lui offrait autrefois lorsqu’elle ordonnait la nature à sa mesure. « Le monde fut cercle ». Il est maintenant « enfermé dans un carré désert », cerné par « les puits de la folie » et dévoré par la mort. Au long des pages, tout s’efface. Indéfini et déserté, le territoire n’est plus qu’un non lieu ni intime, ni commun, envahi par le brouillard, où l’enfant « très nu, très seul et seul » se désespère. « Ô jour de non réponse » ! Image primitive. Intraitable absence. Pour l’en protéger et le sauver des « cris cernés d’acier », des « grands couteaux de foudre » et des « reflets qui désenchantent », le poète replie autour de l’enfant des images en berceau. Par la grâce de l’écriture, sur la pâleur de « cire », d’« aube inanimée » et « d’eau lunaire » du pays funeste, Marc-Henri Arfeux dépose la neige, le gel, le givre et ses cristaux. Il use de la blancheur comme le peintre sur sa toile pour la magnifier. Offre à l’enfant le lait. Car telle est la présence de la mère qui manque dans le vide ouvert. Instant de révélation. Seul recours pour survivre à la disparition, la souffrance allume dans ce paysage d’hiver une lampe si intense qu’elle en devient pure présence. Elle illumine le Verger d’une conscience aiguë. Les poèmes décrivent le face à face avec l’insondable « éblouissement de l’Ange ». Grâce féconde, « au blanc naissant de l’ébloui. (…) à la splendeur du blanc » dont il fait l’expérience, le poète trouve l’entrée du Verger. « Tu dis : « porte », Et voici le visage qui prononce un silence, Eblouissement de l’Ange Au blanc naissant de l’ébloui. Tu dis : « porte », Et c’est oiseau de vague A la splendeur du blanc. Tu dis : « porte », Et c’est le nom devenu stèle Trois fois donné dans la blancheur. Il n’y a plus de blanc, de stèle ni de clarté Nouant le signe de tempête Au déhanché de son offrande ; Seulement cela : L’éblouissant Aveugle vide ouvert Dans le matin de sa vision. » Le chant d’Orphée. Plainte funèbre Entre la mort et son acceptation, puisque le poète accepte de se perdre – car « Dédale est le flambeau qui te gouverne » -, le territoire s’ouvre devant lui comme s’il ouvrait les yeux. Il entre alors au royaume des morts et du « très haut silence ». C’est un Verger dont il ne reste que l’« herbier d’hier ». Et le vent. Le vent, en ces parages mortels, seul capable de renaissance. Le vent, et son souffle, porteur de rémission. « D’un clair feuillage voudrait le vent / Donner asile. (…) / D’un clair feuillage voudrait le vent / Donner promesse ». Un chant se lève, « … un chant ténu / Que l’on attendait pas / A contre-mur d’orage ». À travers lui les poèmes se respirent. Se prononcent, s’exhalent et s’attisent au chaud à chaque inspiration. Ils se gardent en bouche, car le poète travaille les répétitions et les assonances. Parce que les poèmes sont la barque de Caron qui traverse le fleuve, ils apprivoisent le deuil par le flux et le reflux du chant. Le rythme est une sûre embarcation. Conservant la distance et éloignant les obstacle, la régularité des vers emporte, se rompt et s’allonge, mais se reprend toujours dans un jeu entre équilibre et déséquilibre où le poète joue à faire de lui-même par l’écriture le double de « l’impalpable » qui « peut venir ». Mystères d’un rite. « Par instrument de souffle / aux doigts de l’invisible », il avance sur les cendres. Qui le portent. Qu’il emporte. Vieille barque de mots pour se diriger à travers la brume et la douleur. La voix tient son fil. Sur les « sept lents colliers » d’un chapelet, le chant-prière ordonne un à un des noyaux d’ombres et de lumières. « L’oiseau devient Par instrument de souffle Aux doigts de l’invisible. Il entre dans la source Vibrant vivant d’un arc Où le jardin du cœur. Sa ligne de regard Prolonge un chant Donnant écho au monde A la lumière. » Le dentellier. Attisant le feu Écriture, tremblante renaissance. Écrire est un feu sec qui flambe, craque, s’éteint et redouble, inscrivant l’espérance dans notre finitude. Du Verger inanimé, les poèmes font une « bougie infiniment frôlée ». Feu, dans le pays blanc. L’incendie rend au monde sa vitalité et au poète son corps pour déambuler « par les objets sensibles ». Marc-Henri Arfeux est un dentellier. Ses outils sont l’épine, l’aiguille, la griffe et le ciseau. En nœuds, fils tendus et trouées, « les doigts légers manient leur instruments de solitude ». Les mots s’entrelacent et le chant s’ajoure. Dans un élan incantatoire, le poète supprime les articles. « Verger du cercle dévoré » écrit-il en titre. Ses mots « cherchent lueur », « au lieu qui fut baiser » et qui « portait colombes / et beau lilas d’enfance ». Dans ce tissage d’ellipses et de mots télescopés, la pensée se rassemble dans des apparitions. Du vide laissé par la mère, le poète fait le lieu même des retrouvailles. Il est la condition de l’échappée hors du blanc pays de deuil. Toutes au savoir-faire du dentellier, ses « mains cherchent l’issue ». Elles soulèvent sous la précision des mots beaucoup d’incertitudes. Les termes portent en eux-mêmes leur contradiction. Puisqu’il est question de détours et d’énigmes, un état général « évasif » appelle à l’ouverture pour mieux rentrer chez soi. Le poète trouve « la lueur dans la dévoration ». Ainsi, l’enfant « ouvre l’amande, / et le verger devient / ce double fruit d’espace. ». « Un amandier traverse la maison », alors « le jardin

Marc-Henri Arfeux, Verger du cercle dévoré (France) Lire la suite »

Sheila Hicks, Cordes sauvages Pow Wow (Etats-Unis, France)

Sheila Hicks, Cordes sauvages Pow Wow (Etats-Unis, France) 4 novembre 2021 : Saison précise sur le mur, la vigne tels le sang et le feu qui se figent. C’est pourtant vers le rouge que le cœur se réchauffe accroissant sa lumière entrouvrant sur le mur une idée folle de ciel et d’incendie. Sheila Hicks, Cordes sauvages Pow Wow, 2015 26 éléments, 250 x 20 cm, coton, laine, soie, bambou, fibres synthétiques https://www.sheilahicks.com

Sheila Hicks, Cordes sauvages Pow Wow (Etats-Unis, France) Lire la suite »

Lili Frikh, « Bleu, ciel non compris /N°054 » (France)

Lili Frikh, « Bleu, ciel non compris /N°054 » « Dieu me manque. A la place j’ai un Bleu. Je l’appelle « Turquoise ». Un Bleu profond, dès la surface. Bleu la couleur. Profond le trou. Je dis « Mon Bleu ». Je ne dis pas ma robe. Même plus mon amour. Je suis sans « il y a ». Dans cette carence infinie. Je veux « Mon Bleu ». Il m’en faut. Plus que du Potassium. C’est comme ça qu’il existe. Sans aucune preuve. Dans l’épreuve du manque. » 3 novembre 2021 : Je préfère le poids de la matière et ses couleurs, pull, manteau, chaussures. Et les couleurs dans les yeux, sans commentaire superflu. Lili Frikh, Bleu, ciel non compris, Gros Textes, 2012 https://grostextes.fr/publication/b-l-e-u-ciel-non-compris/

Lili Frikh, « Bleu, ciel non compris /N°054 » (France) Lire la suite »

Martine Audet, Rêve sur rêve (Québec)

Martine Audet, Rêve sur rêve (Québec) « Il me faut des écarts pour plus de beauté. Il me faut des orages qui, se mêlant aux pierres, refusent d’éclater. Je rêve qu’une autre langue m’enfonce dans un rêve. A perte de vue, la mer est de nuit noire. » 5 novembre 2021 : Mélange de noir, de désordre et de froid. Une nouvelle peau pousse sur les yeux. Naturellement plonger dans la nuit. Martine Audet, Rêve sur rêve, dessins d’Alexandre Hollan, La Tête à l’envers, 2020, coll. fibre.s https://www.editions-latetalenvers.com/Commandes.H/s276320p/Reve_sur_reve_Martine_Audet

Martine Audet, Rêve sur rêve (Québec) Lire la suite »