nouages

éclats du jour

« Les petits vols de l’inconnu sur l’horizon », Iro Nikopoulou (Grèce)

Anise Koltz, Galaxies intérieures

Anise Koltz, Galaxies intérieures Mes mains sont sans géométrie aucune mais le monde entier est inscrit dans mes paumes _ Qui sait qui je suis ? Mes empreintes digitales changent chaque jour _ Ma tête tourne autour de soleils inconnus Je m’éloigne de plus en plus de moi-même divisée en de nouvelles possibilités de lumière Soleil sans fin cloué dans le ciel je m’ouvre à ta distance La distance étant notre proximité Tu te lèves et te couches avec moi Chaque rayon désigne une soif qui me dépasse qui me fait exister Chaque poème que j’écris existe depuis toujours Voyageant avec la lumière je le capte Le faisant vibrer avec les herbes du champ Chaque jour le soleil se réincarne Officiant dans les champs il récite des litanies de sécheresse Après nous avoir marqués de ses tatouages Le soleil assoiffé boit nos ombres Pour lire l’œuvre d’Anise Koltz, on peut se référer à l’édition de « poèmes choisis » qu’elle a elle-même publiés dans la collection de poésie de Gallimard, sous le titre de Somnambule du jour en 2016. La préface que la poétesse écrit débute par : « Dès que j’écris une phrase, je suis désorientée et embarrassée, déjà, j’ai envie de la rejeter pour dire dans la suivante le contraire. C’est que j’ai toujours l’impression que l’essentiel m’échappe. La double face, le côté caché des choses. » Les derniers mots sont une invocation : « Notre langue est sacrée. Protégeons-la, veillons-la comme un feu qui ne doit jamais s’éteindre, car c’est lui qui doit éclairer la nuit du monde. » Anise Koltz, Galaxies intérieures, Arfuyen, 2013 https://editionsarfuyen.com/2018/12/14/galaxies-interieures/

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La Petite librairie accueille Véronique Maupas

La Petite Librairie accueille la poétesse Véronique Maupas Dans la poésie, j’écoute le silence. Il m’enveloppe si sûrement que je passe moi-même toute entière dans son tamis et j’entre dans un territoire où je m’aperçois que j’existais déjà. La poésie bâtit à l’intérieur de moi un espace. Je n’y possède rien. Je ne l’invente pas. Mais je désire cette architecture de silence que les mots, les musiques et les couleurs gravissent avant de se retirer. Lors d’une lecture publique, j’aime les moments où par la grâce des mots le silence monte. Il en a été ainsi un jour de lecture à la Petite Librairie, lorsque la poétesse Véronique Maupas est venue présenter son recueil, Le mystère d’être un corps, accompagnée par son éditeur, Mathieu Amans. Peut-être était-ce dû à l’intimité du lieu, aux murs de livres, à la simplicité de l’échange qui a précédé la lecture et aux textes offerts ? « Ami, / je te donne ma parole / tiens prends / mes pensées voisées / ou muettes », nous a dit la poétesse. Je retiens de ce moment quelques poèmes. Ils ont développé en moi leur enveloppe de silence. Je ne sais dans quelle glaise j’enfonce mes pas dans quelle poussière je suis en terre sans idée claire des lieux où s’ancrent mes racines continuent-elles à pousser le sais-tu le vois-tu là où tu es est-ce que j’emmène mes racines là où je vais Transhumance Ma peau de silence s’aère piquetée de trous minuscules comme le millepertuis en interface entre les éléments du dehors et ceux du dedans L’œil de la nuit Je ramène la terre pour me couvrir jusqu’au menton dans le sang chaud de la roche océanique je ferme l’œil de la nuit L’œil de la nuit Le 3 février 2024, dans le cadre de l’événement « Poésir à Danton », la Petite Librairie a accueilli la poétesse Véronique Maupas à l’occasion de la sortie de son recueil, Le mystère d’être un corps, Lignes d’Horizons, 2024. https://76lignesdhorizonsi.wixsite.com/lehavre

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Georg Trakl, « L’homme est regard »

Georg Trakl, « L’homme est regard » Décembre 2023 : « L’homme est regard, Berger habitant le silence crépusculaire des troupeaux, La patience des hêtres rouges… » écrit Georg Trakl. Une poésie couleur de l’incendie. Où les mots brûlent. Poésie fulgurante qui s’illumine et s’éteint pour mieux nous ouvrir les yeux. Mélancolie Ombres bleutées. O sombres yeux Qui longuement me regardent en passant. Des sons de guitare accompagnent en douceur l’automne Dans le jardin, dissous dans des lessives brunes. Les ténèbres graves de la mort naissent Sous des mains de nymphe, des lèvres rongées Sucent des seins rouges et dans des lessives noires Flottent les boucles humide de l’adolescent Soleil. Extrait de Crépuscule et déclin Occident (extrait) Lune, comme si un mort sortait D’une caverne bleue, Et des fleurs beaucoup Tombent sur le sentier rocheux. Quelque chose de malade pleure argenté Près de l’étang du soir, Dans une barque noire Des amants sont allés à la mort. Ou bien sonnent les glas D’Elis à travers le bois D’hyacinthe, Mourant à nouveau sous des chênes. O la forme de l’enfant Faite de larmes de cristal, D’ombres nocturnes. La foudre éclaire la tempe L’éternelle glacée Quand sur la colline verdissante Retentit l’orage de printemps. Extrait de Sébastien en rêve La nuit a avalé des visages rouges, Le long d’un mur de crin Un squelette d’enfant tâtonne dans l’ombre De l’homme ivre, rire brisé Dans le vin, tristesse ardente, Torture de l’esprit – une pierre se tait La voix bleue de l’ange Dans l’oreille du dormeur. Lumière en ruine Extrait de Poèmes épars, 1912-1914 Retour (extrait) Quand le soir respire un calme d’or, Forêt et sombre prairie devant, L’homme est regard, Berger habitant le silence crépusculaire des troupeaux, La patience des hêtres rouges ; Si clair, l’automne étant venu. Sur la colline Le solitaire écoute le vol des oiseaux, Le sens obscur, et les ombres des morts Autour de lui se sont rassemblées plus graves ; De frissons l’emplit l’odeur froide du réséda, Les cabanes des villageois, le sureau, Où l’enfant jadis habita. Les poèmes sont extraits de Georg Trakl, Œuvres complètes, traduites de l’allemand par Marc Petit et Jean-Claude Schneider, Gallimard, NRF, 1972

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« Lueurs » d’Eva Lemay Guerin, Ateliers de Sainte-Adresse

« Lueurs » d’Eva Lemay Guerin, Ateliers de Sainte-Adresse Un jour de grand vent, je suis montée le long de la mer jusqu’à l’Espace Claude Monet à Sainte-Adresse, pour découvrir l’exposition d’Eva Lemay Guerin, Lueurs. Une bande rose où coule un peu de bleu, choisie pour l’affiche, avait attiré mon regard. Paysage ou abstraction ? J’étais curieuse de découvrir un travail de peinture à l’huile et ce qu’une artiste d’aujourd’hui fait des lumières et des mers peintes avec tant de bonheur et de liberté depuis plus d’un siècle. Ce qui m’a touchée dans le travail d’Eva Lemay Guerin est une suspension de l’image à la limite de la représentation. Le goût de la couleur mène l’artiste. Peut-être est-ce à travers son excès même, sa présence pigmentaire si marquée, qu’Eva Lemay Guerin accède au paysage. Par ce qui en déborde. L’attente ici est lumineuse. Absorbée par l’immensité d’un paysage, ses mouvements visibles, ses ombres puissantes et ses lueurs emmenées. Cependant, pour l’exprimer il faut à la peinture toujours moins. Renoncer. Questionner la figuration. Aimer surtout les fines traînées de bleu sur le bleu, le glacis faisant leur eau plus mince sous le ciel. Réduire l’espace à n’être que le rectangle d’une toile. Le rendre à la dimension de notre regard. Alors le mouvement du pinceau sur la toile soulève les hésitations une à une jusqu’à gagner cette place en nous où vit un paysage double – mer, falaise, ciel -, serein sous tant d’incertitudes. Quelque chose ne m’abandonne jamais : l’observation de ce geste, la manière dont il se pose, son rythme et le pas qu’il m’amène à accomplir à mon tour. Peindre simplement cela, un passage. Simplement son équilibre fragile, signe émouvant d’une attente inexprimable autrement. J’inscris un instant mon existence dans cette matière picturale – pâte, grain, pigment – où s’invente toujours d’autres façons d’être au monde. « Lueurs », peintures Eva Lemay Guérin, Ateliers de Sainte-Adresse, Espace Claude Monet, 2023 https://evalemaypeintre.com/ https://www.ateliersdesainteadresse.fr/evenements-expositions

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Regards sur la nature, chez Agnès Szaboova au Havre

Regards sur la nature, chez Agnès Szaboova au Havre Un après-midi de novembre, dans la galerie d’Agnès Szaboova au Havre. Dehors, vent et fraîcheur. Dedans, les œuvres accrochées suffisent pour que l’après-midi tournant à la pluie déploie une nature double, mouvante, colorée et vibrante. De cette visite, je retiens quelques impressions vives : Un envol de lumières et de couleurs, un indestructible rose, rouge de naissance, lampes allumées sur l’immense nature : ce sont les fleurs de Christelle Lollier Guillon. Au centre de la pièce, des vagues, vivaces miroirs, emportent le regard en leurs mouvements. Zuzana Kleinerová pose la feuille dans l’eau et laisse la mer agiter l’encre à son gré de source échappée, excessive. Dans l’immobilité d’un visible hiver, Thierry Farcy choisit l’incise et déplie une vision photographique semblable à une gravure sur roche. Du paysage, il reste peu de chose, si ce ne sont les lignes légères et incertaines d’une trame qui se répand comme un ruisseau. Thierry Farcy, Arbres morts, photographie Zuzana Kleinerová, ActionOceanPainting, encre sur papier Christelle Lollier Guillon, Champ de tulipes, impression numérique sur Dibond Christelle Lollier Guillon, Réjane, impression numérique sur Dibond Regards sur la nature – Jacques Blouin, Thierry Farcy, Philippe Guesdon, Zuzana Kleinerová, Christelle Lollier Guillon, Galerie Agnès Szaboova, Le Havre, novembre 2023 https://www.agnes-szaboova-gallery.com/expositions

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Thierry Pérémarti, « De nuits en nous nous n’avons plus »

Thierry Pérémarti, De nuits en nous nous n’avons plus Automne 2023 : Lecture du recueil de Thierry Pérémarti accompagné de dessins de Corine Pagny. Approcher peu à peu les textes. Tant de blanc autour de chacun d’eux. Un silence accompagnant une parole ramassée. Tenue au creux de la page. Au cœur, les mots, comme des animaux attrapés dont le museau renifle les odeurs de nos peurs et de nos courages et nous enveloppe d’un espoir brûlant et sombre. Ces textes courts et denses luttent contre le néant. Ils me semblent être les fragments d’une déflagration, rassemblés pour faire corps et prendre sens. Eteins les silhouettes les nudités nôtres, le ciel chauve où je prends racine. Apporte-moi l’herbe coupée qui chante encore, brouillard bu strident sous la langue – que je tienne parole, ourle le monde à bâtir, redevienne le creux où tu logeas. Arrachée du cœur, qui donc scella notre lumière ? Inverse-nous le temps passé. Recouds nos mains, elles hurlent. Qu’on ne s’y trompe pas. J’aurais voulu le moindre bruit à ce silence, aussi que durent l’innommé et le mystère de ce qui nous éclaire. Tout, où se perdre. L’élan comme la chute. Aurions-nous si bien dispersé cette vie au vent ? Raconte-moi nos sangs en moi qui coulent. En fond de gorge, je goûte ce qui n’a pu être : les fruits âgés, le miroir éteint. Puis, mémoire consentie au dos des ombres, doucement je cisaillai la source les eaux. Offerts au front des oublis nous partîmes, aurait-il fallu lisser les ronces, s’en tenir aux lisières ? Ne rien dire qu’on ne sût déjà ? A peine un regard conjugué, à peine un signe à l’horizon, je vis au mitan au noyau où ton odeur enivre, heureux d’appartenir. Thierry Pérémarti, De nuits en nous nous n’avons plus, dessins de Corine Pagny, Editions Douro, 2023, coll. « Présences d’écriture » https://thierryperemarti.com/publications https://www.editionsdouro.fr/thierry-pérémarti

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Les « yokai » de Marie Lhomet à la galerie Incarnato

Les « yokai » de Marie Lhomet à la galerie Incarnato 9 décembre 2023 : Performance de Marie Lhomet à la galerie Incarnato où elle expose « Peau de papier ». En plus des créations en deux dimensions, Marie Lhomet réalise des costumes de papier et d’osier inspirés de la culture japonaise. Ce soir là, portés par Marie Lhomet, Albine Lambert et Michel Wolfstirm, les costumes donnent vie aux yokai, figures masquées issues des rituels japonais. Le costume de papier porté comme une seconde peau, est un cocon à l’intérieur duquel le corps entre pour renaître dans sa sauvagerie. https://www.incarnato-lh.fr/ www.instagram.com/marie.lhomet

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Christine Pezzana, « un si grand désir »

Christine Pezzana, « un si grand désir » « Ecoute ce rythme malade d’un si grand désir maître du chant sacré Enlacés aux arbres les oiseaux forcent images et souvenirs A cette vie qui là-bas lançait au vent l’imagination au jour mourant Vantant la couleur de ces joues par-delà la folie de cet air Actrice moquée d’avoir eu cette prétention à chercher le bonheur. » Christine Pezzana, Embouillements, Editions du Petit Véhicule, 2021 10 septembre 2023 : Avancer pas à pas. Ne pas trop y toucher. Éprouver et être empoignée par l’émotion. La reconnaître. Reprendre alors le fil d’un dialogue qui s’affine, où s’unifient l’immensité ouverte par la disparition d’un être et le souvenir intense qu’elle laisse. La poésie de Christine racontait le silence, l’éclat du paysage et les décombres. Elle était parfois incendiée de lumière. Très noire aussi. Fertile écriture, elle demeure pour toujours parmi nous engagée dans une histoire vive. https://lepetitvehicule.com/embouillement-de-christine-pezzana/

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Marlena Braester, « A l’inachevé »

Marlena Braester, « A l’inachevé » Sans fruits sans fleurs sans feuilles sans branches rien qu’un tronc de poème sous la violence et les cercles des paroles qui rêvent de l’arbre absent et de ses gestes dans l’air * L’énigme ne craint pas son ombre et l’ombre craint le jour elle qui déplace les gouffres elle qui déplace les souffles au-dessus des gouffres elle qui traverse le temps cet énorme aujourd’hui rythménigme tremblant ne se pose nulle part Marlena Braester,  » A l’inachevé « , Revue alsacienne de littérature, n°139, 2023 http://larevue-ral.blogspot.com/

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