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Victor Saudan, « Dans un langage le plus simple je tente de créer un chant »

Victor Saudan, « Dans un langage le plus simple je tente de créer un chant » La sensibilité au monde est le vecteur premier des émotions du poète Victor Saudan. Il s’ancre dans les paysages et prête son attention à l’écoulement du temps. Entre le monde, les objets et les êtres, le poète se fait passeur. Il offre au lecteur de l’accompagner. Victor Saudan témoigne dans cet entretien d’une écriture qui se tient au plus près de la sensation et en suit l’éclosion. Propos recueillis par Anne-Marie Zucchelli, 27 juillet 2022, Festival Voix vives, Sète Les expériences sensorielles «  Vivre dans / l’intermédiaire / pas n’importe où / pas nulle part / ancrage multiple /mobile et mutant » Image Victor Saudan « Le paysage enfin royaume de mon être de mon retour de mon aller vers l’horizon. » « Et maintenant faire le ménage » (extrait), Lieux-dits J’écris pour moi. C’est une sorte d’enchantement. Les rythmes et les espaces me font du bien. L’écriture est un moment d’extase qui m’approche de la transcendance. Elle me met hors de temps. Cet état d’extase n’implique pas forcément la joie, mais il me fait prendre conscience de ce que je suis et de l’espace autour de moi. L’écriture me permet d’accéder à un état hors du temps. L’espace est là. Des couches d’espaces dans lesquelles je suis et je vibre, et qui me mettent en relation avec une vérité qui est la mienne et me dépasse. Qui me permettent d’être d’autres personnes, d’autres lieux, objets, arbres, cailloux… Être en connexion. En relation avec le reste de l’existence, c’est l’essentiel de ce que je recherche. Je suis arrivé à l’écriture dès que j’ai appris à écrire. À 10 ans, j’ai commencé une pièce de théâtre. Déjà la scénographie et l’espace me parlaient. Un des premiers textes, que j’ai conservé et que j’aime beaucoup, parle du quotidien : le quotidien sacré. J’ai toujours écrit un journal intime et je les garde tous. Ils sont une ressource. J’écris sur l’expérience sensorielle et sur la perception des phénomènes. L’espace extérieur est l’ancrage central. Je n’ai pas une vie intérieure indépendante. Elle est toujours en lien avec les phénomènes. Dans les années 1980, à Bâle, j’ai eu la chance de vivre dans un milieu artistique de musiciens et musiciennes et de peintres. À 25 ans, j’ai essayé d’aller vers l’écriture professionnelle. J’ai cherché des formes d’expression dans le cadre de performances, mais j’ai rapidement constaté mes limites d’expression. Je me suis demandé ce que je faisais là et je ne me sentais pas à ma place. Je n’aimais pas non plus l’isolement du travail d’écrivain. J’avais besoin de développer une carrière sociale. J’ai d’abord voulu faire une thèse sur les pratiques de composition dans le nouveau roman et en musique contemporaine. En travaillant dessus je me suis rendu compte que je m’étais trompé. La littérature, je voulais la faire et non pas écrire dessus. Au bout d’une année, j’ai arrêté cette thèse et j’ai écrit un récit littéraire. Puis j’ai changé de domaine universitaire et j’ai écrit une thèse en science du langage. Une expérience de l’altérité «  Respirer / la transparence » J’ai repris l’écriture personnelle en 2006. Le point de départ a été le jardinage et la broderie. À 40 ans, je me suis rendu compte que j’avais besoin d’avoir un jardin. Les gestes de la plante m’ont donné envie de broder. Au départ, je photographiais les plantes dans les différentes étapes de leur croissance et je les brodais au moment où elles germaient. Je brodais sur du lin. En brodant, je traverse une surface comme la plante sort de la terre. La broderie forme un réseau comme les plantes. Cela m’a donné envie d’écrire. Broder était déjà une sorte d’écriture. Images : Victor Saudan Savoir m’écouter et me rendre compte de l’essentiel des choses vient d’une pratique de la maladie. Mon père était souvent malade et moi aussi. Ce n’est jamais trop grave heureusement. Après ma thèse, à 40 ans, j’ai occupé des postes importants dans le domaine de la recherche et de la stratégie éducative ainsi qu’au Conseil de l’Europe. J’ai lancé des réformes en Suisse concernant l’enseignement des langues surtout étrangères. Je me suis complètement plié à ma carrière. À 50 ans et jusqu’à 60 ans, j’ai quitté les fonctions stratégiques pour transmettre ma connaissance à mes étudiants, futurs enseignants de français. Ce qui relie ces domaines c’est l’expérience de l’altérité. L’altérité fondamentale implique une communication. Je pense que l’on est soi-même à travers l’autre. C’est un principe fondamental de la relation dont parle Edouard Glissant. C’est dans l’interaction que la réalité se crée. C’est le début de l’existence des choses. C’est être déjà deux êtres en soi-même. Cette altérité se pratique tout le temps à l’extérieur, avec les animaux, les phénomènes, les objets. C’est la source même de la culture humaine. Pour moi, dans l’enseignement des langues étrangères, je travaille beaucoup sur cette rencontre avec l’autre, qui est source d’évolution de soi-même. J’ai travaillé sur la manière dont les jeunes Suisses-Allemands et Romands se voient et se représentent. Comment cultiver l’altérité et évoluer ? Je faisais un exercice très concret avec mes étudiants : je leur apprenais à manger du Roquefort. Pour un Suisse, le fromage est une pâte cuite assez neutre, du genre comté ou gruyère. Le Roquefort nous confronte à une altérité forte que nous pouvons rejeter. Ce qui est pourri est dangereux en Suisse : c’est le symbole du mal. Apprendre à goûter du Roquefort ne veut pas dire qu’on aime, mais c’est une expérience descriptive des choses. On comprend que ce n’est pas dangereux de faire une expérience culturelle forte. Il y a une tradition du Roquefort qu’il faut connaître. Quand les étudiants apprennent l’histoire, tous sont contents même s’ils trouvent le fromage mauvais. Ils peuvent dire : ce n’est vraiment ce que j’aime le plus, mais c’est intéressant. La poésie est une autre manière de vivre cette altérité au monde. A 60 ans, j’ai senti que l’écriture me sollicitait de plus en plus et j’ai abandonné toutes les

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Nils Udo, « Dessiner avec des fleurs, peindre avec des nuages, écrire avec de l’eau » (Allemagne)

Nils Udo, « Dessiner avec des fleurs, peindre avec des nuages, écrire avec de l’eau » (Allemagne) Nils Udo, Sans titre, Feuille de rhododendron, mousse, France, 1987 17 juillet 2022 : plein d’étonnement, s’unir à l’eau, s’envelopper d’herbes et de branches. Bon est le temps de l’été https://www.nils-udo.com/art-dans-la-nature/?lang=fr

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Felip Costaglioli, « La loi des astres »

Felip Costaglioli, La loi des astres «  Je suis (est-ce encore le matin) assis tout près de toi. Mais c’est un long chemin. Je pars à ta rencontre. Je le sais on me l’a dit : les voies lactées ne sont plus ce qu’elles étaient Enfin ne suis-je pas comme toi explosé en mutation belle planète ? » 16 juillet 2022 : pour la finesse et la recherche d’un exact suivi de la respiration. Inspiration. Expiration. L’écriture comme un mime de la peau à la page. Felip Costaglioli, La loi des astres, Atelier du Hanneton, 2020 https://www.atelierduhanneton.fr/les-livres-1/les-livres-du-hanneton/

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Nora Atalla, « Morts, debout ! » (Québec)

Nora Atalla, « Morts, debout ! » (Québec) « depuis si longtemps nous plaidons la folie pour tout ce sang versé attendons que les ruisseaux nous ramènent sur la grève blanchis absouts occulte la Mort se cambre » 1er juillet 2022 : Ecrire pour crier. Et bien que « dans le registre de la Mort / le mauvais sort t’a inscrite / ô tendresse », écrire pour tendre la main. Nora Atalla, Morts, debout !, Ecrits des Forges, 2020 https://www.ecritsdesforges.com/produit/morts-debout/

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Coralie Poch, « Tailler sa flèche » (France)

Coralie Poch, Tailler sa flèche « Il a longé le corps le cheval interminable sa course erre dans tes sous-sols retourne tes mots tes morts et les laisse comme du sable au bord dispersés dans l’infini de l’aubépine. » « Ce même jour un semblant de joie te précède tu laisses au bord du chemin tes chaussures avec les herbes et les folles vivre ainsi ne suffit plus marcher tu dis avec tous les ciels au-dessus et la terre qui reste faire tu dis faire quelque chose à deux mains tresser tes jours aux lisières du monde. » 1er juillet 2022 : aimer dans ce livre la fraîche disponibilité à l’étonnement. Le monde pousse dans le corps : arbre, animal, heure, rivière et les morts eux-mêmes. L’écriture s’anime de leur jaillissement : « tout ce qui vient de l’élan / nous suffira », dit la poète. Coralie Poch, Tailler sa flèche, encres de Jean-Marc Barrier, Editions La Tête à l’envers, 2022 https://www.editions-latetalenvers.com/Commandes.H/s433631p/-Tailler-sa-fleche-Coralie-Poch

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Sandrine Cnudde, « Patience des fauves » (France)

Sandrine Cnudde, Patience des fauves « La Lavogne Me suis-je réfléchie, déjà? Une fois, je crois, dans l’oeil rond et plein d’un ciel oublié au désert. Je me suis pensée feuille et vautour et calcaire et reflet. J’ai déboutonné mon visage, il a glissé sans lutter. Je l’ai trempé tel un linge en sa toilette. Lentement empesé d’eau, il a un peu coulé et pâli mon visage tandis que l’autre réfléchissait (pour un instant nous étions deux) des choses piquantes se sont détachées en frottant la bouche et les yeux. La bouche surtout. Quand il a touché le fond, le visage qui se voyait visage a dit « ça suffit ». J’ai soulevé et tendu le linge mien devant le soleil. L’éclipse flambait en trois points. Un parfum de coing et de cuivre en reboutonnant les yeux. Se réfléchir en un trou d’eau, à un pas du renversement et laisser à une seule question le soin d’exister : Qu’allons-nous devenir? » 30 juin 2022 : Lire et suivre les sentiers empruntés par une autre que soi. Une carte intérieure se dessine peu à peu. La lenteur du pas, les herbes mouillées, un paysage qui s’ouvre, ce visage dans l’eau… se sont les nôtres aussi. Et l’on s’en va « en sifflotant » avec la poète regarder « se ratatiner les maisons, les fumées s’élever, faiblement effacer le paysage blême… » Sandrine Cnudde, Patience des fauves : réseau d’affûts en territoire poétique, Editions Erès, 2017 https://www.editions-eres.com/ouvrage/4028/patience-des-fauves https://sandrinecnudde.blogspot.com/

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Olivier Marchesi, « Photographie. Ecrire avec la lumière », revue Vinaigrette (France)

Olivier Marchesi, « Photographie. Ecrire avec la lumière », revue Vinaigrette  » … Dans cet instant. fraction de seconde trop court pour pouvoir le penser un accident s’est produit dans mon boitier. Guidée par l’objectif, la lumière s’est faufilée derrière le volet de métal, fluide parfait elle a inondé le film et sensibilisé l’argent …  » Olivier Marchesi 29 juin 2022 : C’est dans le corps lui-même que s’inscrit cette lumière. C’est lui qu’elle impressionne. Et du corps à l’esprit la lumière vagabonde et puis revient au corps pour y saisir l’esprit. Olivier Marchesi, Revue Vinaigrette, revue moléculaire de photo / poésie # 14, avril 2022 https://revue-vinaigrette.blogspot.com/ https://www.oliviermarchesi.net/

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Eva-Maria Berg, Etourdi de soleil (Allemagne)

Eva-Maria Berg, Etourdi de soleil (Allemagne)  » perdre le langage avec le temps communiquer en silence au lieu de se taire lorsque jour et nuit coïncident les yeux à demi ouverts et à demi fermés présent et à la fois absent accorder le mot uniquement au souffle «   » die sprache verlieren mit der zeit stumm kommunizieren anstatt zu schweigen wenn tag und nacht zusammenfallen die augen halb offen und halb geschlossen anwesend und zugleich abwesend sein allein dem atem das wort einräumen » Yannick Bonvin Rey 28 juin 2022 : quelques fois abrupt, souvent entrecoupé, double de la respiration, le rythme de l’écriture mène la pensée. En lisant le texte allemand, dans cette langue que je ne parle pas, je goûte au plaisir neuf d’une autre articulation, de la mise en bouche inconnue, et je m’interroge sur tout ce que je ne saisis pas. Eva-Maria Berg, Yannick Bonvin Rey, Etourdi de soleil – von sonne betäubt, Edition L’Atelier des Noyers, 2022 www.eva-maria-berg.de/buecher.html https://yannick-bonvin-rey.ch/wordpress/?portfolio=etourdi-de-soleil

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Thierry Pérémarti, Terlingua (France)

Thierry Pérémarti, Terlingua  » Laisser faire la lumière nouée où je m’essouffle ce peu de mouvement alentour, infiniment nu pour commencement, je suis indicible et si proche comme dans un rêve épris me glisser derrière la cascade derrière la vérité des choses «  27 juin 2022 : appréhender le texte en ses traces. Accueillir son ombre sur soi. Le laisser tourner comme un soleil. Thierry Pérémarti, Terlingua, Editions Phloème, 2022, collection Mondes https://www.editionsphloeme.fr/de-langue-française/oeuvres/terlingua/

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Jean-Marc Barrier, « Ne rien prévoir, ne rien vouloir, s’aventurer ainsi » (France)

Jean-Marc Barrier, « Ne rien prévoir, ne rien vouloir, s’aventurer ainsi » « tu le sais tu ne sais rien sinon qu’un geste t’attend entre deux phrases » Jean-Marc Barrier vit dans les montagnes de l’Hérault, où il se consacre à l’écriture, au dessin, à la photographie et au plaisir de faire des livres avec des amis. Il dirige la collection fibre.s aux éditions La tête à l’envers, anime un atelier mensuel La table d’écriture et co-anime l’émission Les arpenteurs poétiques sur Radio Pays d’Hérault. Arpenter… Ecrire, dessiner et photographier. Rentrer avec des croquis et des encres à broder (ou pas). Jean-Marc Barrier nomme sa pratique artistique « poésie littéraire et visuelle ». Dans cet entretien, il nous parle de ses gestes de peintre et de brodeur, de la manière dont ils accompagnent son écriture, de l’irréductible et féconde différence entre l’image et le texte. Propos recueillis par Anne-Marie Zucchelli, 10 juin 2022, Marché de la poésie, Paris Être dans l’étonnement « Le monde est un vaste jardin. Comment ne pas y aller ? », écrit Jean-Marc Barrier dans la postface d’Ailleurs debout. Au cours de ses voyages, il photographie et relève les vestiges, empreintes, traces infimes et signes sensibles de notre étonnement de vivre. L’étonnement : pour représenter cette puissante émotion, « notre main magique a dansé depuis la préhistoire sur les murs ». J’ai commencé à dessiner très tôt et j’ai beaucoup aimé cela. À 7 ans, mes parents m’ont inscrit à l’École des beaux-arts d’Annecy. Lorsque j’ai eu mon bac, j’ai hésité entre des études scientifiques et artistiques. J’avais grandi dans les trente glorieuses, un temps assez matérialiste, mais  je trouvais la vie ‘extra-ordinaire’, j’étais dans un étonnement de tout. Ce qu’on me proposait ne correspondant pas à mon sentiment de la vie,  j’ai voulu tracer ma route sur des axes plus spirituels. À ce moment-là, j’ai fait le choix de devenir religieux. Entrer dans une vie de communauté m’a libéré de toutes les programmations de mon milieu d’origine. J’ai mis ma vie sur un axe différent et choisi. Cela m’a donné beaucoup de liberté dans toute ma vie, notamment dans mon rapport à l’argent, aux lieux. J’ai fait les vœux temporaires de trois ans de suite, dans un ordre salésien. Puis j’ai voulu être un homme qui vit largement sa vie d’homme. Je faisais alors mes études aux Beaux-arts de Lyon. Peinture et dessin. Découverte de la couleur. J’ai voulu être peintre. Puis j’ai eu 6 enfants – très heureux d’être père. Comme il me fallait des revenus réguliers, je suis devenu graphiste indépendant. Mais cela a été très difficile pour moi d’arrêter de peindre – même si j’ai développé dans le graphisme un art personnel. Le livre La Rue infinie est nourri  de cette perte: lorsque j’ai dû cesser de peindre, je suis allé photographier dans les rues des « peintures perdues ». Elles m’ont gardé proche de l’intention de peindre, de la peinture. Je ramassais ces images, œuvres fragiles et vouées à disparaître. Elles  sont devenues un manifeste et en les relevant, je me relevais moi-même. Il y a ici une sorte d’utopie qui me plaît d’un art spontané, gratuit, généreux et partagé par tous. Ne pas tout dire « Pauvreté claire », «petites choses », « rien », « retrait », « vide », « souffle »… une ligne flotte entre le silence et les mots. Sur cette ligne les images apparaissent. Inspiration, « tu n’es pas obligé de tout dire même si tu vois plus fort ». Expiration, « ce qui se tait protège l’espace où tu respires ». Ces trois dernières années, j’ai eu une méditation intime sur le curseur de ce qui se partage ou pas, notamment dans Virga, un livre qui essaie de s’approcher de l’ineffable. Dans mon enfance, les adultes ne parlaient jamais de leurs émotions, et je n’ai de cesse dans ma vie de chercher des lieux où partager des ressentis d’une manière éclairée. J’ai été un militant de la parole sensible partagée.  Puis j’ai compris que c’était une réaction à mes années d’enfance et que je demeurais sans doute dans le même schéma, (dans le -1, on reste dans le 1). Je me suis mis alors à chercher au plus près quel espace intime je souhaitais garder, plus conscient que les choses émanent d’une qualité de présence, sans besoin de mots ni de commentaires. C’est un réglage tardif, qui préserve des trésors personnels, intérieurs.  J’ai eu une envie de livre, Pierre limite, sur ces géométries de l’intime. Elle s’est transformée, et c’est devenu ce livre, La nuit élastique, qui sort en juillet aux éditions Phloème (mon premier livre de texte seul, sans image).  J’aime dans la poésie partager beaucoup d’intime, mais par la médiation du poème. Ainsi dans le poème, on laisse des blancs dans le texte sans trop expliquer. Le lecteur peut y être dans une lecture active, s’approprier le texte dans son imaginaire et son vécu propres. Pudeur et impudeur sont mêlées – les deux sont précieuses à mes yeux.  Quand je peins, je suis totalement dans ce que je fais. Cela me met dans un état limite. Surtout les encres. Je laisse venir… Ne rien piloter, être dans l’instinct. Il n’y a pas de mots, le son disparaît. Lorsque je brode, c’est différent. Je mets des musiques que j’aime. Elles m’accompagnent dans une méditation lente, le temps disparaît. Ces deux temporalités sont si différentes, j’aime qu’elles se musclent mutuellement dans l’œuvre. L’encre et le corps vivant La peinture est mouvement. Elle est soulèvement et emporte la vue. Sa pulsation entraîne le corps dans la danse jusqu’au bout du pinceau. La peinture est lumière, couleur et matière, eau, huile, pigments, grains dont le peintre nomade fait son espace. Il devient lui-même la feuille – « d’un côté le sable, de l’autre les vagues et l’infini » – sur laquelle s’inscrit « ce peu de gestes qui nous dessine ». Wrac’h, Jean-Marc Barrier Quand j’ai recommencé à peindre il y a 6 ans, j’ai pensé que j’allais reprendre là où je m’étais arrêté, mais ce n’était pas juste. Jeune, je faisais des peintures à l’huile sur toile, des images essentielles, grand format, dans le sombre. La peinture à l’huile est un acte assez réfléchi, il y a

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