nouages

éclats du jour

« Les petits vols de l’inconnu sur l’horizon », Iro Nikopoulou (Grèce)

Eva-Maria Berg, Horizons Horizonte (Allemagne)

Eva-Maria Berg, Horizons Horizonte (Allemagne) « Les yeux cherchent à colorer le ciel pour disperser le nuage noir ils recourent au premier bleu qui leur avait ouvert les paupières » 30 août 2021 : Ce matin une voix d’homme résonne : « Nous ne pardonnerons pas, nous n’oublierons pas. Nous allons vous pourchasser et vous faire payer le prix. » Je confie ma journée à des instants, entailles d’où s’échappent la gamme des couleurs dans le lever d’une lumière. Eva-Maria Berg et Matthieu Louvrier, Horizons Horizonte, L’Atelier des Noyers, 2021 https://www.eva-maria-berg.de/ et https://www.atelierdesnoyers.fr/

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Ana Brnardić, « Un arbre fortuit » (Croatie)

Ana Brnardić, « Un arbre fortuit » (Croatie) « Je suis un arbre, un arbre fortuit pour ma fille. Elle me touche car je suis rugueux, car j’ai des racines avec mes cinq orteils qui sortent de terre, pour ses petits pieds. Mes yeux sont disposés sur des feuilles, frémissent dans le vent et suivent leur fille du regard. Les filles sont des planètes ardentes et dès que les fleurs se redressent le matin dans leur lit, ces planètes brûlent déjà entre les pétales Les arbres ne connaissent pas la manière qu’ont les filles de t’aimer et de t’adopter. Ils ne font que suivre de leurs feuilles les boules de feu qui descendent le long des tiges, dégringolent les pentes jusqu’au ruisseau gelé, dans une nuée de petites mains. Ma mère aussi est un arbre fortuit. Je me lève le matin, je prépare un café et avec ma tasse je marche sur ses racines dans lesquelles les trains se sont éteints, les pensées refermées, seuls deux brins d’herbe ont frémi. Mes pieds font de la musique sur des touches froides et je sais que c’est un bonheur ordinaire et doux. » 27 août 2021 : Jours de naissance. L’heure se suspend au silence. Ana Brnardić, Devant toi le jour, L’Ollave, 2021 http://www.ollave.org/

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« Ça pourrait nous arriver à nous aussi »

« Ça pourrait nous arriver à nous aussi » Je choisis ma place à côté de vous puisque vous parlez. C’est difficile parfois car vos mots vont plus vite que mon stylo. C’est délicat aussi, alors je fais semblant de rien. J’accumule les fragments, lambeaux, mots rapportés, soigneusement conservés pour réparer la perte de sens des conversations amputées. « Tu as entendu la Brinks ? Il paraît qu’il avait quatorze ans ! C’est terrible à quatorze ans ! Les parents, ils sont où là ? Les mecs ils se sentaient en danger, ils ont tiré quoi ! C’était pour partir en vacances ! Le pauvre, le pauvre gamin ! C’est vrai qu’il faudrait faire quelque chose, que c’est nécessaire et qu’on ne peut pas laisser tous ces jeunes, ces enfants dans la rue. Ce qu’on voit à la télé, ça pourrait nous arriver à nous aussi. Ça pourrait être rapide ! Je suis toujours sidérée de voir comment les gens réagissent devant des cas pareils. J’en parle aux clients, ils peuvent comprendre ! Faut se défendre ! Pour te dire qu’on est bien obligé malgré tout ! »

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Meta Kušar, « Tu es allé tendre l’oreille sous les saules » (Slovénie)

Meta Kušar, « Tu es allé tendre l’oreille sous les saules » (Slovénie) « Tu es allé tendre l’oreille sous les saules Dieu lui-même roulait dans ces brouillards légers qui collent à la rive. La rivière, sans une onde. Le soir avait l’odeur d’une potitza chaude aux raisins. Tu étais heureux. Ça faisait longtemps que tu ne l’étais plus. » Poème de 2004. Traduction française envoyée par la poète. 23 août 2021 : L’heure saute dans le vert. J’ouvre les volets et je plonge avec le jour dans l’herbe sous le tamaris. https://www.poetryinternational.org/pi/poem/5203/auto/0/0/Meta-Kusar/3/en/tile

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Lhasa de Sela, La marée haute (Mexique et Québec)

Lhasa de Sela, La marée haute (Mexique et Québec) « La route chante quand je m’en vais. Je fais trois pas, la route se tait. La route est noire à perte de vue. Je fais trois pas, la route n’est plus. Sur la marée haute, je suis montée. La tête est pleine, mais le cœur n’a pas assez. » 20 août 2021 : Pas de changement de trajectoire. Tous les jours les mêmes rails, le train, la tranchée morne poteaux après poteaux, piles de pont, mâts de grues, pylônes électriques, et les mêmes voyageurs dans les wagons, passant l’un après l’autre de la lumière à l’ombre. Lhasa de Sela, The Living road, 2003 https://www.youtube.com/watch?v=YKHpPhu-hD0 et https://lhasadesela.com/#contacts

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Jean-Marc Barrier, « Rien à perdre… » (France)

Jean-Marc Barrier, « Rien à perdre… » « Rien à perdre, tout à considérer. Chaque mot, chaque griffure, les bouts de colle pour que ça tienne, le chant des âges qui se dessine, tout est à toi du premier jour jusqu’au dernier. Et la réponse à ta question tient dans tes yeux et dans leur soif. A l’imprévisible tel que tu l’aimes, quand tu consens à l’abandon. » 19 août 2021. Les paroles vibrent. Leurs traces sont si légères. Souffles chauds, elles embarquent avec elles de lourdes cargaisons. Jean-Marc Barrier, La rue infinie, Phloëme, 2021 https://www.editionsphloeme.fr/de-langue-fran%C3%A7aise/oeuvres/la-rue-infinie/ et https://jeanmarcbarrier.fr

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Lambert Savigneux, Pigmenterre (France)

Lambert Savigneux, Pigmenterre Lambert Savigneux, Pigmenterre, 2008 « L’utilisation des pigments afin de donner une plus grande pureté à la matière prend toute sa mesure avec l’utilisation de l’eau qui permet de créer des espaces sensibles. Le thème de l’Océan et de l’île est bien sur à l’honneur et la luminosité demande au peintre un retrait et une retenue. » Lambert Savigneux 17 août 2021. La buée envahit la vitre comme un champignon. Un faible soleil monte à l’est, un frémissement timide de lumière noyée comme dans l’étonnement de sa propre éclosion. https://aloredelam.com/amina/

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« Une femme d’autrui »

« Une femme d’autrui » « Moi je suis tout seul parce que je le veux. Et alors, ça m’emmerde et j’y peux rien. T’es sérieux ou quoi, tu vas où là ? Vas-y, vas-y le frère ! soit cool, hein ? Fais pas le con, mec ! Me faire ça à moi… Je te promets, quand t’entends ça tu te dis c’est limite, faut arrêter. Surtout que non, des fois tout seul j’y arrive pas, j’y arrive plus, j’y crois plus, absolument plus. Et si cette fille c’était qu’une femme d’autrui et qu’elle veuille me blaguer, hein ? » Imaginons un plan contre la puissance intrusive des chemins tout tracés. Comment infléchir la ligne et la réinventer ? J’enregistre tant de vous, votre impression sur moi comme sur une terre modelée par la sensibilité que j’ai de vous. En creux, en trous, en bosses, le souffle passe. Odeurs, respirations, voix sont les sûrs véhicules de nos existences. Cordes jetées. J’écoute. Je guette. Lasso. Hop ! Chevelures, yeux, vêtements, attitudes, paroles, je vous dépouille de tout.

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« Non ! »

« Non ! » C’est vers six heures, ça a toujours été. Vers six heures, c’est comme ça. Pas parler. Pas possible. Les vieux gestes agités, répétitifs, nerveux, le tic de la bouche contrôlé. C’est pareil à un incendie mal éteint, trop superficiellement étouffé. Ça couve. « Ah ! je ne sais même plus. Je lui ai déjà tout dit, mais si ! C’est mon avis. Alors t’as pas le droit de me dire ça toi aussi parce que depuis des semaines j’y arrive plus ! Non mais des fois pourquoi tu me dis ça ? Vas-y, sérieux, c’est vrai ! Pourtant je lui ai dit, tu sais pas ce que tu veux, t’as raison d’accord, mais c’est pas méchant, je ne suis pas méchant, voilà, t’as raison comme d’habitude, écoute, c’est promis, je te promets, ça arrivera plus ! » La tête dans les mains. – « Non ! » – La plainte se prolonge à l’intérieur comme on se racle la gorge. Le corps se balance, va-et-vient sur le « bip bip » du train, son parasite, étrange signal sous-marin dont le rythme s’accélère.

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