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Marlena Braester, « A l’inachevé »

Marlena Braester, « A l’inachevé » Sans fruits sans fleurs sans feuilles sans branches rien qu’un tronc de poème sous la violence et les cercles des paroles qui rêvent de l’arbre absent et de ses gestes dans l’air * L’énigme ne craint pas son ombre et l’ombre craint le jour elle qui déplace les gouffres elle qui déplace les souffles au-dessus des gouffres elle qui traverse le temps cet énorme aujourd’hui rythménigme tremblant ne se pose nulle part Marlena Braester,  » A l’inachevé « , Revue alsacienne de littérature, n°139, 2023 http://larevue-ral.blogspot.com/

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Caroline Giraux, « La sève monte »

Caroline Giraux, « La sève monte » C’est ici que l’on couche avec les herbes folles morilles endiablées désirant Cassiopée se dressent vers la nuit qui l’arrose en retour – estive boréale de son lait infini Là où dansent les arbres tanguera le vertige là où fila la sphaigne les loups reparaîtront et le miel toutes fleurs coulera à foison La sève monte un autre printemps Viens ! (Chavanac) Je suis la mémoire de tes rêves et de tes promesses celle qui affleure quand tu es nu urgence, urgence, retiens-moi ! Pose ta paume sur mes flancs respire ma brume feu follet, apparition, nourris mon encre donne-moi vie ! (Meymac) * Liquide, une cordelle du puits au chavirant, ruisselle et puis se tend – mélopée de dotâr sorbet suave safran en songes acrobates sur les ponts d’Ispahan Il y eut des fenêtres, des nuits sans barreaux, des voiles alanguies, des fontaines de mots Le savais-tu Mon Amiral il faut mourir deux fois pour atteindre Nida (Nida, Lituanie / Montpellier) Caroline Giraud, « La sève monte » extraits, Margelles, n°13, printemps 2023 https://www.brunoguattariediteur.fr/boutique/revue-margelles/margelles-n13-printemps-2023/

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Denis Emorine, Identités brisées

Denis Emorine, Identités brisées Note critique par Isabelle Poncet-Rimaud,mai 2023 La mort en berne et Identités brisées, les deux romans de Denis Emorine, ont pour trait d’union Dominique Valarcher, écrivain écartelé entre deux amours auxquels il ne sait ou ne veut renoncer. Identités brisées commence là où se terminait La mort en berne. Dominique Valarcher a laissé un mot à sa femme Laetitia pour lui annoncer son départ provisoire, sans aucune autre précision sinon celle de son besoin de recul. Dominique Valarcher se veut et se dit un mari fidèle, très amoureux de sa femme à laquelle – affirme-t-il souvent – il appartient. Oui, mais No̓ra, une jeune étudiante hongroise qui prépare un master sur son œuvre, est venue troubler ce bel équilibre. Quelle est la nature de cet amour ? Celle d’un homme flatté par l’intérêt que lui porte une jeune fille cultivée, celle d’un homme en désir inavoué et rassurant de séduction, celle d’une tentation venue de l’Est, cette partie du monde qui le hante et le déchire depuis son enfance ? Peut-être tout cela à la fois… L’écrivain Dominique Valarcher, de lointaine ascendance russe qui cultive sa sensibilité slave et se ressent aussi latin par son pays de naissance et sa culture, éprouve une attirance mortifère pour cette partie du monde qui l’aimante et le repousse tout autant. Son œuvre n’est que questionnement sur ses identités contradictoires qui ne lui laissent aucun répit. Dans Identités brisées, le personnage de Laetitia prend une épaisseur presque supérieure à celle de son mari. La souffrance amoureuse de cette femme qui questionne son âge et en vient à prendre conscience de sa valeur personnelle par, ou grâce, au manque terrible que créent l’absence physique et les interrogations sans réponse, touche profondément. Laetitia est un cri d’amour, prête à tout pour retrouver celui qu’elle aime. Les espoirs et la désespérance qu’exprime cette femme sensible, cultivée, musicienne, rayonnante rendent d’autant plus cruelle l’impossibilité de Dominique Valarcher à trancher. Homme de fractures, Dominique Valarcher porte douloureusement sa propre culpabilité et celle d’un passé familial qui ne lui appartient pas, ainsi que celle d’un territoire marqué par l’Histoire. L’écrivain aux identités morcelées, ne sait choisir et semble se complaire en lui-même et en sa propension à la fuite. Quant à Nóra, elle voue un culte à « son » écrivain et laisse planer le doute sur la réalité de ses sentiments. Ce qui arrange bien le côté lâche de l’écrivain. Nóra, jeune fille innocente, opportuniste, amoureuse ou seulement admiratrice de l’homme et de l’écrivain ? Nóra serait-elle l’incarnation de ce que hurle sans cesse l’écrivain dans son oeuvre : l’amour porte toujours en lui la mort, surtout quand il vient de l’Est ?… Dominique Valarcher saura-t-il trouver la réponse à cet écartèlement qui fait de lui un funambule exilé, en équilibre instable entre deux cultures, deux amours, deux fidélités, deux univers émotionnels, vie et œuvre, intimement liées ? On le suit dans son combat personnel à Garouze, lieu de sa retraite, mais aussi dans sa vie antérieure, celle d’un homme tourmenté et écrivain reconnu, aimé, admiré du public et de son éditeur, dans les souffrances qu’engendre sa personnalité fragmentée grâce à l’écriture forte et précise de Denis Emorine qui nous entraîne jusqu’au dénouement dans un même élan. Dans ce deuxième et beau roman, Denis Emorine a su donner corps et sensibilité à des personnages complexes et parfois déroutants. La mort en berne et Identités brisées, deux romans que l’on peut lire comme une suite mais aussi indépendamment l’un de l’autre. Longtemps après les avoir quittés, le lecteur continue son chemin en compagnie de Dominique, Laetitia et Nóra … Identités brisées de Denis EMORINE – 5 Sens Éditions – Suisse – 2023 https://catalogue.5senseditions.ch/fr/36_denis-emorine https://www.isabelleponcet-rimaud.com

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Brigitte Comte, sculptures

Brigitte Comte, sculptures La sculptrice Brigitte Comte travaille à Penmarc’h dans un atelier tout proche de l’océan. Dehors, tant d’éclats… vifs, mouvants, aquatiques et aériens. Chez elle, les sculptures s’éclairent d’autres lumières. Diffuses, concentrées, reflétées… toutes changent selon la nature des pierres. Le première surprise est de découvrir la force de leur présence. Marbres, granit, calcaire, gypse, stéatite, onyx, serpentine, albâtre … toutes les pierres portent en elles un peu du monde mis à nu, un paysage terrestre trouvant sa place dans un intérieur. Devant ces oeuvres, il me semble comprendre combien sculpter opère un corps à corps avec une matière vivante. Une matière qui continue de vivre une fois la sculpture achevée. Brigitte Comte, Ondine, marbre de Carrare, Bardiglio, 35 x 16 x 20 cm, 2016 La pierre est lourde et chacune a sa densité. Pour tailler, creuser, poncer et polir, la sculptrice s’installe dehors. Elle parle de résistance, de force et de prudence, car un éclat ôté ne se recolle pas. Le travail est lent et le dialogue continu avec la matière. La pierre parle de douceur. Elle demande qu’on la touche, que la paume se creuse, que les doigts caressent le grain et en épousent le mouvement. Sous les mains de la sculptrice, elle laisse découvrir le merveilleux secret de ses couleurs intérieures et libère l’imagination courant sur les moirures, les stries, les piquetages jaunes, verts, bruns, rouges, noirs ou les blanches opalescences… Brigitte Comte, Polaire, albâtre des Charentes, 39 x 23 x 20 cm, 2002 Que cherche-t-on dans un bloc de marbre, de granit ou de calcaire, qui pourrait nous parler de nous-mêmes ? Qu’ajoute-t-on à la pierre en lui ôtant de la matière ? Pourquoi y faire figurer notre image ? Parce que la pierre demeure. Taillée, creusée ou poncée, son caractère reste inchangé. Juste révélé. Magnifié. Parce que la pierre nous parle du temps long de la vie des roches. Parce qu’elle représente dans le creux de nos mains un fragment du vaste paysage terrestre d’où elle a été tirée. Brigitte Comte, Fébris, serpentine du Zimbabwe, Pringstone, 59 x 10 x 11 cm, 2004 Je pense aux gestes de la sculptrice comme au mouvement incessant de la mer roulant les galets. J’aime retrouver sur certaines oeuvres les traces rugueuses et chaotiques de la pierre première et découvrir les marques des gestes retenus. Il me semble alors, devant les sculptures disposées dans cette pièce lumineuse, qu’elles m’interrogent sur le caractère de notre propre matérialité. Brigitte Comte, Floris, marbre du Portugal, 48 x 28 x 22 cm, 2015 Pour découvrir les sculptures de pierre, de bois et de bronze et résine de Brigitte Comte : https://www.brigittecomte.com

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Agnès Pataux, Nudité

Agnès Pataux, Nudité Lors du festival photo du Havre, « Are you experiencing ? », la galerie Incarnato a exposé au mois d’avril les photographies en noir et blanc d’Agnès Pataux. La série s’intitule « Nudité ». Agnès Pataux, Nudité, 1/20 Certaines images ouvrent nos yeux. Quelques-unes ont le pouvoir de les refermer. De celles-ci, nous sommes le corps double où s’avance à tâtons la recherche d’une figuration possible. Car c’est en nous que se suspendent ensemble l’image et ses significations. Devant les photographies d’Agnès Pataux, que de sentiments jaillissent ! Ses portraits nous accompagnent à la lisière d’un territoire où le corps est davantage corps. Où l’esprit est corps aussi. Il s’agit, selon la photographe, de « montrer ce qui est. Montrer la matière de ce qui est à défaut d’en connaître le sens. » Photographier opère un sortilège et pose le réel en ses apparitions multiples. Toutes se serrent dans le cadre de l’image. Lorsque la lumière enlève les formes sur le fond si sombre, parfois si noir, alors l’image se démêle et commence à cheminer en nous. En nous, qui demeurons cachés. Nous, en qui la forme du corps mute en secret. La mettre en image est téméraire. « Il s’agit d’être à la hauteur », écrit Agnès Pataud, « pour révéler, sans les trahir, ces paysages majestueux comme ces êtres à la fois dignes et vulnérables qui m’émeuvent, me troublent et suscitent mon admiration. » Ces portraits parlent de pudeur, de respect, de tendresse. De tant de transparences, également. Comme si l’acte de photographier levait les barrières entre deux êtres, celui qui regarde et celui qui est regardé. Branle-bas dans la figuration. La morsure de la lumière est bien la même sur la chair comme sur la pierre ou sur les végétaux. Les corps nous sont immédiatement familiers, mais l’image de nos nudités s’en va à la dérive. Nos regards se troublent. C’est nous que la photographie révèle à travers le portrait d’un autre. Nous, qui sommes invités à être ce regard et à être sous ce regard. Le regard parfois souverain fore l’épaisseur de l’image. Ainsi commence le remorquage de l’être vivant qui vit au large et accepte d’entrer dans le cadre de la photographie. D’autres fois, le regard s’éblouit ou s’obscurcit et nous perdons pied. C’est là le but. Car la matière est puissante et veut fermement sa revanche sur nos conquêtes. Elle pousse le grain noir et blanc aux limites du cadre, comme elle se rue sur le corps pour inscrire son éternité dans le présent. Lorsque ces photographies soutiennent comme elles peuvent l’inondation de l’ombre par la lumière, elles deviennent mon corps même et accroissent mon humanité. Agnès Pataux, Nudité, 4/20 Agnès Pataux, Nudité, 16/20 Pour découvrir le beau travail d’Agnès Pataux, voici son site : https://agnespataux.com/fr/accueil

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Sara Balbi Di Bernardo et Laurence Marie, entre poésie et art visuel, une complicité fertile

Sara Balbi Di Bernardo et Laurence Marie, entre poésie et art visuel, une complicité fertile Puisque la poésie est aussi une question de vue car elle éclaire le lieu tout intérieur d’où procèdent le balbutiement de nos sens, leur éveil, leur disponibilité, pourquoi ne pas la confier à des images ? C’est ce à quoi nous convient Sara Balbi Di Bernardo et Laurence Marie. La première écrit et la seconde dessine. Elles travaillent ensemble dans une complicité fertile qui donne naissance aux Poésies à la verticale. Lorsque j’ai découvert la poésie de Sara Balbi Di Bernardo, j’ai ressenti combien elle brasse d’éléments sensoriels tirés d’un monde à la fois sonore, visuel et toujours mouvant. Quelques vers tirés du recueil Biens essentiels résument l’impression laissée par les lectures que j’en fais : « parfois / elles me surprennent / marquent / ma rétine comme un feu ». Surprise, oui. Fraîcheur d’un jeu lumineux, tantôt tendre, tantôt abrupt, où ce qui apparaît est déjà marqué par sa disparition. Une énergie supplémentaire naît de la rencontre entre cette écriture et la création plastique de Laurence Marie. Les mots se posent sur un territoire visuel et charrient en retour des formes renouvelées qui tentent de se saisir de ce qu’elles savent pour nous, les « biens essentiels » Qui d’entre la poète et la plasticienne ouvre le chemin et qui le reprend ? Comment laisser aller à leur marche particulière les mots et les images ? S’agit-il d’additionner ou d’élaguer ? Telles sont quelques-unes des réflexions qui ont nourri notre entretien. Propos recueillis par Anne-Marie Zucchelli, Paris, 15 avril 2023 Cyclamen, hommage à Cy Twombly, texte de Sara Balbi di Bernardo, illustration de Laurence Marie Comment vous êtes-vous rencontrées ? Depuis quand travaillez-vous ensemble ? Sara Balbi Di Bernardo (SB) : Nous travaillons ensemble depuis deux ans, en revanche, nous nous connaissons depuis trente ans et nous sommes amies. Nos parcours sont parallèles et nous partageons les mêmes problématiques. Il y a entre nous une énergie qui fonctionne et qui nous porte. Laurence Marie (LM) : Notre amitié est comme un élastique qui se détend et se retend. J’ai d’abord découvert les poètes que Sara publiait sur Twitter. Lorsqu’elle est venue vers moi pour me proposer d’illustrer son premier recueil, inédit alors, Les biens essentiels, je n’étais pas très motivée car le monde de la poésie m’ était encore étranger, mais je me suis prise au jeu et je ne le regrette pas. Je crois profondément que les choses arrivent parce qu’elles devaient arriver. Nous nous sommes trouvées et cela était sans doute écrit quelque part. Nos rencontres se sont peut-être déjà passées, car le temps est relatif. Tout cela tient un peu de la magie. Que représente la création pour chacune de vous ? SB : Dans ma poésie, il me semble que je retrouve mon tout premier texte. J’avais alors 8 ans et mon grand-père venait de mourir. J’ai décidé de lui écrire sur le papier à lettre que l’on m’avait offert le jour de mes 4 ans, ce cadeau est d’ailleurs mon tout premier souvenir. C’était un papier à lettre blanc, avec le dessin d’un chat, que je trouvais si merveilleux que je n’avais jamais osé l’utiliser. J’ai écrit le texte avec de très grandes lettres et je l’ai posé sur le rebord de la fenêtre pour que mon grand-père puisse le lire depuis le ciel. Je me rends compte aujourd’hui que souvent, dans mes poèmes, on retrouve un chat, une fenêtre ou cette quête de communication vers l’au-delà. Par la suite, j’ai écrit des scénarios, des romans et des nouvelles. Il y a quelques années, durant une période difficile de ma vie, j’ai découvert la poésie et cela a été salvateur. J’ai d’abord énormément lu, puis je me suis mise à l’écriture. Depuis mes débuts en poésie, j’ai changé, je ressens le besoin de m’isoler dans ma maison, entre ses murs blancs, dans le silence. Mon recueil Biens essentiels a été écrit pendant le confinement à partir d’une situation concrète que la poésie m’a fait envisager différemment. Je vais vers le monde par l’écriture. Le véritable bien essentiel est la poésie qui parcourt mes poèmes. La poésie est pour moi un choc des sens et des significations. Lire Georges Bataille, en tout premier, puis René Char, Marina Tsvetaeva, Emily Dickinson et Marie-Claire Bancquart a été comme une addiction. Je lis de nombreuses autrices. Je ne fais aucune différence entre la poésie des hommes et celle des femmes, simplement j’essaie de rattraper le retard imposé aux femmes et je lis davantage leurs textes. Les vers de Bataille dans L’Archangélique, très courts, très puissants, avec leurs images fortes, pleines d’interprétations qui étendent le champ des possibles et ouvrent tant d’univers, ont été pour moi un choc. Je crois que la poésie est la plus puissante des drogues : elle modifie notre façon de penser, elle ouvre le champ des possibles. J’aime aussi la photographie, en particulier celle de Robert Adams, Francesca Woodman et Saul Leiter. Et le cinéma, énormément. Je trouve le cinéma et la poésie très proches : je pense aux décors de Kubrick, aux dialogues de Godard, aux images d’Antonioni, au non-dit chez Chantal Akerman. Les films néoréalistes italiens me touchent particulièrement. Enfant, ils m’ont bouleversée. J’aime aussi la Nouvelle Vague et Godard. J’adore Fellini. J’aime infiniment Antonioni, cinéaste de l’incommunicabilité. Dans ma poésie, on retrouve souvent des références cinématographiques : dans Whisky, on aperçoit Lost Highway de David Lynch. Fellini, Godard et Chantal Akerman habitent d’autres textes. Sara Balbi di Bernardo, « Whisky » (extrait), Biens essentiels, Bruno Guattari Editeur, 2023 LM : Pour moi toutes ces formes d’art sont de l’ordre de la création. Je ne fais pas différence entre elles. J’adore la photo et toute création. Une lecture peut me porter. Le cinéma m’inspire car j’y vois des tableaux. J’ai peint une toile à partir de la couleur rouge qui domine dans le film La Reine Margot. J’ai adoré les personnages torturés de Lucian Freud et d’Egon Schiele. Les femmes créatrices comme Camille Claudel me fascinent et je

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Angèle Bassolé-Ouédraogo,  » La poésie est l’expression du combat pour la liberté  » (Canada – Burkina Faso)

Angèle Bassolé-Ouédraogo,  » La poésie est l’expression du combat pour la liberté  » (Canada – Burkina Faso) J’ai rencontré Angèle Bassolé-Ouédraogo lors de la deuxième édition du Salon du livre africain qui s’est tenu à la Mairie du 6e arrondissement de Paris, du 17 au 19 mars dernier.  Angèle Bassolé-Ouédraogo vit à Ottawa où elle est poète, éditrice, enseignante et journaliste. Avec d’autres écrivaines, elle tenait le stand de Mosaïque interculturelle, association qui assure le rayonnement de la culture des communautés afro-descendantes francophones en Ontario, au Canada.  J’ai d’abord découvert ses recueils de poésie et son ouvrage sur le féminisme où elle mène une étude comparative entre la situation au Canada et au Burkina Faso, son pays d’origine. La conversation que nous avons eue m’a donné envie de la poursuivre et d’en apprendre davantage sur sa poésie, son parcours et ses engagements. Nous avons donc décidé de faire un entretien à distance, entre Ottawa et Paris.  Dans la dédicace de son recueil Yennenga, Angèle Bassolé-Ouédraogo m’écrit « Une histoire de notre ancêtre ! Pour que sa témérité et sa détermination vous inspirent aussi ! ». Je suis sensible à cette adresse, cette façon discrète et généreuse de me tendre la main à travers la différence de nos cultures. Ces quelques mots sont le fil directeur de notre entretien.  Propos recueillis par Anne-Marie Zucchelli, Ottawa-Paris, 1er avril 2023 Une poésie de combat La poésie que je découvre en lisant Yennenga est pleine de ferveur et porteuse d’engagement humaniste. Le rythme bref, la répétition des mots, les injonctions soutiennent une langue poétique qui court, s’insurge, dénonce et invoque. Tant d’êtres différents se pressent dans ces textes, Yennenga et son fils Ouédraogo, Thomas Sankara et ses compagnons, Norbert Zongo et ses compagnons, Aimé Césaire… Réels ou légendaires, ils permettent à la poéte de conjurer le courage, l’intégrité et la détermination. Ils éclairent le présent comme l’avenir. Angèle Bassolé-Ouédraogo fait de leurs luttes le thème de sa poésie. En prenant la plume, la poète entre également dans le combat. Oui, pour moi l’écriture est une lutte. L’art en Afrique n’est pas simplement ludique, mais il est aussi  fonctionnel. À travers lui, les artistes prennent part à des combats et revendiquent leur place. La poésie est le moyen par excellence de dire la révolte. Elle est l’expression du combat pour la liberté.  C’est extrêmement important selon moi, car je suis sensible au manque d’espace accordé aux femmes ainsi qu’à toutes les confiscations des libertés. Je sais que les mots peuvent tuer en Afrique et je ne l’accepte pas. J’ai travaillé avec le journaliste d’investigation Norbert Zongo, qui a été assassiné en 1998 au Burkina Faso. Thomas Sankara a été assassiné en 1987. Leurs figures m’obsèdent. Leurs combats sont les miens.  Prendre la plume est donc l’occasion d’en parler. Je ne veux pas écrire pour dire que je suis heureuse ou que la vie est belle. Je ne peux pas écrire pour écrire. Je ne fais pas de l’art pour l’art. Non !  J’écris pour dénoncer le sort des personnes qui vivent autour de moi. Cela m’importe et donne un sens à mon écriture. Ma poésie est une arme. Un vecteur de combat. Comme dit Aimé Césaire, « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche… »  Je cherche l’engagement et revendique la dénonciation. J’ai le privilège d’avoir une plume et une audience, j’exerce aussi le métier de journalisme, je considère donc que c’est mon devoir car je suis issue d’une société où la devise des gens de culture est : ‘’Yik pinda n sig beogo’’ qui signifie ‘’Lève-toi tôt et invente le jour’’, ce qui laisse entendre que le jour sera ce que le poète ou le musicien en fera. « Césaire Tu nous auras prévenus […] Qu’avons-nous fait de ton Cahier Nous les Sans Pays natal ? L’avons-nous seulement lu ? Qu’avons-nous compris ? Et pourquoi les malheurs africains Sont-ils restés sans bouche ? Pourquoi nos héros sont couchés Quand nous les attendions debout ? Debout ? Au carrefour de nos exils sans fin Nos exils du bout de la terre Du bout de la mer Du bout du continent. » Angèle Bassolé-Ouédraogo, Sahéliennes, Ottawa, L’Interligne, coll. « Fugues / Paroles », 2006 Les poètes africaines Autrice d’une thèse sur « L’écriture poétique au féminin en Afrique noire francophone (1965-1993). Spécificités et originalités », Angèle Bassolé-Ouédraogo donne à entendre les voix des écrivaines qu’elle appelle « les grandes absentes » car l’histoire officielle les a oubliées. Elle-même inscrit son œuvre dans la lignée de ces femmes qui ont osé briser le tabou du silence imposé et défendre une écriture rebelle. Les femmes sont venues à l’écriture comme elles prendraient les armes. Elles viennent du silence où on les a emmurées pendant des siècles. Tout au long de mon cursus scolaire, on ne m’a jamais donné à étudier une œuvre de femme. Même les critiques littéraires ne font pas attention à elles. Ils parlent un peu des romancières, mais jamais des poètes. Aucune n’apparaît dans les anthologies de poésie africaine.  Pourtant les femmes écrivent autant que les hommes et parfois même avant eux.  L’aventure de la poésie féminine africaine commence par les poètes du Sénégal éditées à Paris. Dans les années 1960, Annette M’Baye est la première femme à publier ses recueils, Poèmes africains (1965) et Kaddu (1966). Puis suivent ceux de la Congolaise Clémentine Faik Nzuji avec Murmures(1968), Kasala (1969), Le Temps des amants (1969), Lianes (1971).  Ensuite, vient Kiné Kirama Fall, qui a écrit Chants de la rivière (1975) et Les Élans de grâce, préfacé par Léopold Sédar Senghor (1979). Kiné Kirama Fall inaugure la thématique de l’amour sensuel qui n’est pas présente ordinairement dans la littérature africaine. La Camerounaise Wèrèwèrè Liking s’illustre en 1977 avec son titre On ne raisonne pas le venin. Se succèdent ensuite Ndèye Coumba Mbengue Diakhaté et son recueil, Filles du soleil (1980), et Fatou  Ndiaye Sow avec Fleurs du Sahel (1990). Le Sénégal a une longue histoire qui le lie à la France du fait de la colonisation et du départ des esclaves depuis l’île de Gorée. Les colons ont établi des

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Seth et Zeso & BK FOXX, « Alice au pays des merveilles »

Seth et Zeso & BK FOXX, « Alice au pays des merveilles » 5 avril 2023 : sur le beau blog « François-Régis street-art », les street artistes Zeso & BK FOXX, Queenssand, Akelo, Seth et Demoiselle MM suivent Alice dans une promenade urbaine au pays des merveilles. « – Voudriez-vous me dire, s’il vous plaît, par où je dois m’en aller d’ici ? – Cela dépend beaucoup de l’endroit où tu veux aller. – Peu m’importe l’endroit… – En ce cas, peu importe la route que tu prendras. » Lewis Caroll, Les aventures d’Alice au pays des merveilles, 1865 Paris 17ème, Marché des Batignolles, Fév. 2022 – Seth Lurcy-Lévis, Street Art City, Août 2020 – Zeso & BK FOXX Voir le blog : https://francoisregisstreetart.fr/street-art-alice-au-pays-des-merveilles Découvrir et redécouvrir : Alice au pays des merveilles, interprété sur le podcast « Tout avec presque rien » : https://toutavecpresquerien.com/alice-au-pays-des-merveilles-de-lewis-carroll/

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Sayed Haider Raza, peintures

Sayed Haider Raza, peintures 2 avril 2023 : Dans ma constellation familiale sont inscrits des noms dont certains apparaissent de façon lointaine et floue et qui sont pourtant parés d’une luminosité prête à se réenchanter. Il en est ainsi de celui du peintre indien Sayed Haider Raza, associé immédiatement dans mes souvenirs à un autre artiste, Agbar Padamsee, ami de la famille. Je suis donc entrée dans l’exposition que le Centre Pompidou consacre à Raza, comme dans une promenade en terre connue mais oubliée, en quête de quelque chose que je reconnaîtrais peut-être et qui me rendrait quelques images du temps passé. J’attendais la couleur. Je découvre les formes. Quelque chose se fige sur ces peintures en même temps que je m’approche d’elles. Mon voyage s’ordonne dans un mouvement de cristallisation, comme si je déblayais à grandes pelletées le souvenir pour mieux le tenir sous mon regard ou entre mes mains. A l’Inde, dont le jeune Raza en exil emporte les images, il emprunte le trait le plus net, une géométrie d’orfèvre et la suavité d’une matière dont la transparence le fascine. Peintures méditatives, où la perspective fond, comme effacée par la limpidité d’une image imprégnée d’une lenteur douce. Un souffle déséquilibre les villages changés en un jeu de construction, suspendus, arrêtés au vol dans leur chute. Villages de la Côte d’Azur, miens et partagés, sur lesquels ruissellent tant d’autres images devenues sources : les peintures indiennes, les tableaux du Quattrocento italien. Ce qui surgit ensuite dans la peinture de Raza est le fruit des voyages et des rencontres. Cela tient de la quête, de l’emprunt et du dialogue. Dans les oeuvres de ses contemporains considérées comme des choses vivantes, Raza glisse ses regards et les gestes de son pinceau. Lumières, ciels, terres, pluies deviennent les sujets de toiles vives où le peintre s’aventure dans des concrétions, des explosions sonores d’épaisseurs pigmentaires. Un point demeure : la couleur. Intacte. Nouée dans le pigment, qu’il soit d’huile, d’acrylique ou de gouache. Je suis toujours plus sensible à la transparence. Lorsque l’air perce la matière, il me semble alors que je respire. Une fraîcheur, une eau courante, un mouvement de vent, un murmure forcent l’espace et le franchissent. J’entre encore une fois dans la petite forteresse des souvenirs. Quelquefois très vagues et nouées par des contrastes de plein et de vide, toujours très humides, les grandes gouaches retrouvent la suave texture des premières peintures. Proches, si proches, si familières. Je marche là devant des miroirs bien connus, souvent contemplés, déjà partagés, où je recueille des formes, oboles blanches pour la traversée de ma mémoire. Ces feuilles et ces toiles préparées, je les connais, je les soupèse, j’en sens l’odeur. Elles représentent les visages un instant découverts d’artistes disparus qui reviennent à moi ainsi, laissant le flot passer entre nous. Que j’aime ou n’aime pas ces toiles est presque insignifiant. Je ne saurais parler ni d’une histoire de l’art, ni d’un champ poétique. Mais elles tissent avec mes noires profondeurs un lien qui les ramènent à la surface. Emotion éternelle et fragile qui s’en va faucher le temps. Dont je me réjouis de l’abondance. Et dont je me nourris.

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