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« La France est un corps humain »

« La France est un corps humain » Regards perdus, sur le quai, assis sur un banc, la tête contre le mur. Fatigué. Sur les genoux, la veste. Il se frotte les yeux, le front. A l’arrêt du train, il se redresse et nous interpelle : « Ecoutez-moi, je vous donne mon avis. Y a le riche qui vit, y a le pauvre qui crève. Après si le cœur vous en dit, vous continuerez vos conneries, vous irez casser vos bidons. Mais moi je dis non. Voilà, c’est tout ! Moi, je suis quoi ? Moi, je vais dire tout. Je suis confondu à des étrangers. Pourtant la France je l’ai aimée. La France, c’est un corps humain. Quand t’as des potes, un humain c’est un humain, mais quand t’es un étranger, t’as pas le droit même de regarder. Quand tu regardes, t’es buté. Quelque chose s’est cassé. » Dessin de Marc-Antoine Beaufils, 2018

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Lia Rodrigues Companhia de danças, « Encantado » (Brésil)

Lia Rodrigues Companhia de danças, Encantado (Brésil) « Je pense que la joie peut être une façon de lutter, une façon de résister. Pas seulement la joie, mais la joie aussi. On peut résister avec de l’espoir, un espoir combattant, une joie combattante ! » Lia Rodrigues Lia Rodrigues Companhia de danças, Encantado, Rio de Janeiro, 2021 1er janvier 2022 : pour une année de joie combattante ! https://theatre-chaillot.fr/fr/saison-2021-2022/encantado ; https://www.festival-automne.com/edition-2021/lia-rodrigues-encantado ; https://www.msn.com/fr-fr/video/style-de-vie/paris-avec-encantado-la-chorégraphe-brésilienne-lia-rodrigues-promet-un-enchantement/vi-AARoHfy

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Lara Dopff, Parsehgha là où l’âme s’égare (France)

Lara Dopff, Parsehgha là où l’âme s’égare Parsehgha là où l’âme s’égare est un recueil poétique écrit par Lara Dopff à l’occasion d’un voyage en Iran. De Téhéran à Khorassan – région « d’où vient le soleil » -, du grand désert salé Dash-e Lut – « désert du vide », l’un des plus chauds et des plus arides au monde -, à l’ancienne capitale perse Chiraz, puis sur le site de Persépolis et enfin à Ispahan, sur les bords de la « rivière qui donne la vie » Zayandedh Roud, la poète convie les lecteurs à un voyage géographique autant que temporel. Elle mêle son expérience des paysages, des villes et des personnes, à la découverte de l’ancienne civilisation mésopotamienne, de Gilgamesh à Zoroastre. Voyager et arpenter, arpenter et écrire, écrire et reprendre sa respiration, s’égarer et devenir poète. Ce recueil est le «  – souffle / enfin lu de celui / qui exode ». Il est de ce voyage comme de la conversion du corps après la mort, délivrant son âme sous la lumière du ciel. Parsehgha est un lieu de prière du zoroastrisme, bâti sous les tours du silence où les cadavres sont livrés aux vautours et les ossements déposés dans une fosse à ciel ouvert.« Là où l’âme s’égare », l’être renaît. Le voyage est initiatique car le corps de la poète, « suaire et convulsé », réclame sa métamorphose. Note de lecture par Anne-Marie Zucchelli « Chiraz des poètes », extrait, p. 93 Voile De la lecture vient une image. Une longue ondulation. Continue, pages après pages comme plis sur plis. Mince colonne de mots ordonnés pour une danse. La forme de l’écriture est celle d’un rideau qui se meut et tremble, « masse d’air suspension. / voile / emplit la transparence ». La poète passe incessamment devant et derrière. Mise en page, sauts de ligne, retraits et débords, choix de l’italique, tout est ondulation. L’écriture donne corps à ce voile suspendu qui sépare Lara Dopff du monde. Elle le rend visible et palpable afin que la poète puisse le franchir. « Voilure », elle est aussi ce qui emmène et entraîne au voyage. À l’origine, il semble y avoir un grand désir d’envol : « plane haut  (…) toi née, / à la glèbe / d’Enkidou », « dans le lointain – / les effleurements / des cieux. ». L’écriture permet la transmutation du corps. Comme sous l’action du feu, de la terre naît le verre – bulles, sphères en qui se magnifie l’air -, par la « brûlure d’iris », la poète « épouse / la corporéité / du souffle ». Respiration. Le poème se prononce. Peut-être s’écrit-il en même temps qu’il se parle ? Est-il la cristallisation, sur les pages d’un carnet de voyage, du souffle intérieur continu qui accompagne la longue pérégrination ? Lorsque Lara Dopff récite ses textes, sa voix baisse et son timbre se fait grave. Sur la page, la ponctuation rend à l’écriture sa nature corporelle. Tirets, virgules placées en début de vers et points clôturant de courtes phrases nominales multiplient les suspensions. Lorsque l’énonciation s’arrête, la respiration prend sa place. Pause des mots et espace donné à l’exigence du corps. Devant le paysage, Lara Dopff témoigne d’une expérience d’effleurement, de palpation et de caresse. La même rencontre sensuelle préside au tissage des mots et de la ponctuation : « dévoilement, la surface / est une peau sur la peau. ». Ainsi se traverse le rideau dans la matérialité d’un souffle. « Téhéran monts puissants », extrait, p. 35 Vide Ce qui prend corps est une chair minérale. L’écriture saisit l’instant où la poète devient « l’intact / fonte du lieu foulé. ». Si le paysage existe parce que le corps l’expérimente, l’être aussi s’accomplit en son corps par la grâce du voyage. L’Iran est une terre aride. Les notations géologiques se multiplient tout au long du recueil et l’on suit l’évolution du paysage  : d’abord « argile », « amalgames de terre » et « glèbe », il se transforme en« grands déserts de sel », en « dunes blanches / jonchées de cristaux » et en « reliefs infinis » sur la « croûte terrestre ». Viennent ensuite la « plaine, sable volcanique / émergence de pierre, / monts multiples – / fer quartz, / ardoise / reliefs verts, oranges » puis l’oasis, ses « alluvions et érosions », le « sensitif canyon » et « l’ancienne brique / d’Ispahan ». À piétiner le territoire, le corps s’y absorbe dans un « désir d’effondrement ». Le voyage est une longue mise en terre dont la poète fait la condition de son renouveau : « j’ai jailli l’état de culture. / ne me reste que l’enfoncement / d’une nature. ». Pour franchir chaque étape, Lara Dopff construit des passerelles par des mots pressants. Comme la nature produit des gués, les ponts sont les chemins du voyage. Ils emmènent la poète au bord d’un territoire ouvert : « mystère de vif, / seul demeure le seuil. », écrit-elle en abordant Dash-e Lut « le désert du vide ». Le paysage est symbolique d’une absence : « une nuit / portes du vide », « nuit du désert / traversée du vide », « nulle trace / puissance du vide / et de l’écho ». Paradoxe de l’écriture de Lara Dopff. Comment user du paysage pour mieux jouir de sa disparition ? Comment avancer toujours pour s’ancrer davantage ? Comment se laisser porter par le libre flux des mots pour mieux goûter au silence ? La délivrance est au prix d’un épuisement : « des dévoilements / j’évoque le nu / et j’implore / les carences / – ta délivrance ». La poète consent à un voyage sans fin et à un horizon toujours repoussé comme elle accepte de se livrer à une parole intérieure impérieuse qui ne cesse de se renouveler. L’être se gagne par surabondance d’acceptation. En perdant toute emprise, il advient : « la plus grande / de nos empreintes / serait la circulaire / extinction ». « Prélude », extrait, p. 14 Grain « Grain », « poussière », « perlure », « broiement / du tissé de tes organes », « ultime maigreur », ce qui naît sous la langue se croque des dents dans l’épaisseur du texte. Un travail de pulvérisation ébranle la poète. Le recueil est un précipité de sensations sonores déterminées par un paysage désagrégé. L’être reprend langue en lui. Change d’aspects en même temps que lui. S’y

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Victor Malzac, « Jachère » (France)

Victor Malzac, « Jachère »  » – c’est elle encore c’est bien elle maman qui donne de quoi vivre ovale, et bêle fort, notre pays se cabre – et s’élève et féconde la région végétale – ses seins à moudre puisent le plein de blé de seigle ou d’orge ses grands seins gonflent jolis réveillent le village, la joie va se lever dans sa poitrine encore où sève doucement ma grande vie. » 23 décembre 2021 : se tenir là, dans le cercle des naissance. Ronde. Puis ouvrir au monde. Victor Malzac, « Jachère », revue Pourtant, numéro 2, Naissances, 2021, p. 63 https://www.pourtant.fr

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Eva-Maria Berg, « Edinburgh » et « Horizons » (Allemagne)

Eva-Maria Berg, Edinburgh et Horizons (Allemagne) Edinburgh et Horizons nous invitent au voyage, l’un dans la capitale écossaise et l’autre à travers le ciel, vers l’horizon de territoires non identifiés. Les deux ouvrages sont nés de la collaboration entre un plasticien, Philippe Barnoud pour le premier et Matthieu Louvrier pour le second, avec la poète Eva-Maria Berg. Photographies et peintures se découvrent dans le silence et incitent à la parole poétique. Dans le dialogue avec les images, l’écriture trouve à se libérer en des tours et des détours renouvelés. Pour approcher ces paysages, tout est question de digression. Philippe Barnoud et Matthieu Louvrier se sont saisis de traces qu’ils relèvent pour guider le lecteur à travers la ville et le ciel. Premier écart, la couleur. Elle glisse sur la photographie comme remue dans l’eau la lumière d’un phare. Marée pleine, elle monte dans le ciel, en gris, en bleus, en verts très sombres dans l’épaisseur de l’huile. Les images se nourrissent de chemins de traverses. Énigme : fixent-elles un souvenir avant qu’il ne s’efface ou la matérialité d’un paysage intérieur dans lequel chacun des deux plasticiens se déplace ? En deux mouvements symétriques – l’un de plongée (Edinburgh) et l’autre d’élévation (Horizons) – l’écriture se prend à ces images. Puisqu’elle éprouve et même souffre de la fugacité des paysages, Eva-Maria Berg dénombre les contours, la matière, les éclats et le poids que les images recèlent. Mais pour en chanter également l’éternité, elle convoque des parts fabuleuses. Son compagnon de voyage est Icare. L’écriture rejoue l’envol. Plutôt que de renoncer au départ, la poète prend le risque de sombrer. À ces images silencieuses, la poésie prête du son. Elle commence par une musique, dans l’imprévu de la sonorité des mots. Puis c’est le corps entier qui s’exprime. Nudité d’un style. Eva-Maria Berg ramène à elle les mots comme une couverture. Elle écrit à l’oreille, mais aussi à l’œil. Comme un sculpteur modèle la terre autour de la structure métallique soutenant la forme. Sur la feuille, la mise en page des mots, tout en sauts de ligne et juxtapositions sans ponctuation, s’approche au plus près d’une colonne vertébrale invisible. Vide ou manque, Eva-Maria Berg écrit pour ne pas que « le trou reste béant dans la mémoire ». Note de lecture par Anne-Marie Zucchelli Edinburg : le temps de l’enfance Photographie de Philippe Barnoud, Edinburgh, p. 17 « s’étonner face aux bâtiments murailles tours bien ancrés au sommet ne pas percevoir le tremblement préhistorique mais ressentir sous terre le feu qui se fraye un chemin se consume désormais saisi à la plus haute altitude d’une vue à couper le souffle au-dessus de la ville » « au milieu de la ville la ruelle la plus sombre le pavé menaçant chuchotement très furtif cœurs tremblant il était une fois encore inimaginable que des systèmes de mesure puissent révéler divulguer chaque angle pas souffle pouls mais sans jamais réussir à résoudre leur énigme » « qui parle de miracles ne sait pas ce qui se passe si on ne ferme jamais ses yeux les images se transforment en chair et en os des êtres anciens émergent moitié humains moitié bêtes divins et maudits tous en couleurs sans ombre ils saisissent quiconque les voit par la peau et par les cheveux » Car il s’agit d’un voyage temporel dans lequel Édimbourg, ville séculaire, laisse monter à travers certains de ses aspects, la juvénilité éternelle de ses vies antérieures. Le recueil est construit comme une série de cartes postales. Les images sont réalisées les premières. Une face imagée et l’autre écrite. En allemand, langue maternelle d’Eva-Maria Berg, mais aussi traduits en anglais et en français, langue de cœur. La langue choisit ainsi de porter différents masques. Le lecteur éprouve ses limites de compréhension. La poète élargit encore le voyage qu’elle entreprend vers l’autre. Le livre devient notre lieu commun. D’ailleurs, plus souvent que de dire « je », Eva-Maria Berg dit « on », agrégat de voix humaines auxquelles le lecteur est convié de participer. La photographie fixe des murs, arbres, ruines et vues à contre-jour… détails d’une ville dans laquelle la poète expérimente des allers-retours vers des temps légendaires. Car elle porte sur ces images un regard émerveillé. Elle y cherche ce que la photographie peut libérer d’apparitions. Les images «troublent dévoilent recèlent débordent » . Le mouvement qui porte l’écriture est une plongée « dans le mystère », une immersion « dans l’incroyable magie du vieux site toujours neuf ». Cheminant souterrainement dans le passé même d’Eva-Maria Berg, c’est une enfant qui tient la plume et promène sur ces images d’Édimbourg un regard de voyant. « Des êtres anciens émergent moitié humain moitié bêtes divins et maudits ». Pour continuer de descendre l’enfant chevauche « l’oiseau majestueux du royaume de conte de fées ». Contes. Un lien très ancien existe entre celui qui raconte des histoires et la mort qui écoute, oublieuse pour un temps d’accomplir son œuvre. Eva-Maria Berg écrit pour que la nuit recule. De même que le photographe coule un filtre de couleur sur les images en noir et blanc, de même la poète allume sous la terre un « feu qui se fraye un chemin ». Le paysage en est rétroéclairé. Ce qui se révèle est « l’invisible qui seul est capable de se montrer à l’œil intérieur ». Horizons : s’envelopper de lumières Matthieu Louvrier, Horizons, p. 11 « Les yeux cherchent à colorer le ciel pour disperser le nuage noir ils recourent au premier bleu qui leur avait ouvert les paupières » « autrefois nous nous sentions liés aux dieux en regardant vers le ciel ils régnaient protégeaient aimaient se disputaient luttaient pour nos âmes envoyaient toutes les météos pour tester notre courage » « tandis que le paysage pâlit à vue d’œil et que les espaces se ferment il reste encore des ciels à trouver en images elles peignent le mur afin que les couleurs hibernent dans les yeux » « apprendre de l’expérience d’Icare et renoncer à voler ou mieux l’accompagner et masquer le soleil aile contre aile glisser vers l’horizon » Les peintures de Matthieu Louvrier pour Horizons s’offrent comme des fenêtres, minces bandeaux ouverts sur des ciels que la

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Valérie M., « La poésie, un texte, une voix, une vibration » (France)

Valérie M., « La poésie, un texte, une voix, une vibration » Valérie M., femme engagée, porteuse d’exigences sociales, écologiques et humaines, est aussi une lectrice. Au festival Voix vives en Méditerranée qui se tient à Sète tous les ans en juillet, elle découvre la poésie. C’est son expérience de lectrice qu’elle nous livre à travers cet entretien. Propos recueillis par Anne-Marie Zucchelli, Aulnay-sous-Bois, 4 décembre 2021. Écouter la poésie J’ai découvert la poésie tardivement et c’est à Sète que j’ai commencé à l’apprécier. Ce que j’ai expérimenté pendant ce festival, c’est l’écoute. C’est le son. De la poésie j’aime les sonorités. Je suis à chaque fois davantage touchée par la poésie lue dans sa langue maternelle. Je le suis parfois beaucoup plus par les textes que je ne comprends pas, lorsqu’ils sont lus par leur auteur. Je cherche à ressentir l’émotion d’une autre personne et à travers elle, son vécu. Me laisser traverser par des mises en mots. Les émotions à l’état brut. C’est très direct. Ressentir la poésie. La ressentir à travers la voix de son auteur. La voix de l’autre. La poésie m’est venue ainsi à travers les voix de personnes qui me l’ont donnée gratuitement tout en livrant beaucoup d’eux-mêmes. Dans ce lieu, j’ai trouvé cela admirable. J’y suis allée huit fois. Le format proposé par le festival me touche. Je pense qu’il a une dimension spirituelle. À écouter la poésie, assise dehors dans les rues de la ville, j’ai le sentiment d’être connectée au vivant, au ciel, à la terre, à la mer, aux êtres animés et inanimés. Écouter la poésie dans ces circonstances me permet d’être davantage encore connectée au vivant. La ville où je suis roi « Où sommes nous enfin – nous allons nous errons Deux ombres fatiguées, étonnée de la vie… Mais rien n’est impossible et nous nous reverrons Un soir, dans une rue, une ville, un pays… Je le sais, je le sens, ce sera comme un rêve Tout fleurant bon les sons de lointaines musiques, Et nous ne saurons plus si un instant s’achève Ce sera comme un rêve en des choses magiques. […] » Yves Masselot – Editions de la revue moderne – 1959 Des récits de vie  Je ne relis pas forcément les poèmes que j’ai entendus. En revanche j’aime lire chez moi la poésie de personnes que je connais. J’aime avant tout mettre un visage. J’ai besoin d’incarner le texte. La poésie est une rencontre avec une personne physique. Dans mon travail professionnel, je développe cette dimension d’écoute. Depuis très jeune je préfère écouter plutôt que parler. C’est une vraie nourriture que d’écouter l’autre. Dans mon travail, j’écoute des personnes qui ont besoin d’accompagnement, d’aide, de soutien. À chaque fois ce sont des récits de vie. Ces personnes me font confiance quand elles déposent leur histoire. Du coup je conçois mon travail avec un niveau d’exigence important parce que je ne veux pas les décevoir. La relation d’aide, c’est avant tout le partage d’un humain à un autre. Je cherche dans la poésie ces récits de vie. La poésie témoigne d’une manière d’être au monde. Elle est une nourriture pour moi. La différence avec une parole de la vie quotidienne, c’est la forme. La beauté recherchée à travers la mise en mots. Par exemple, les auteurs et autrices qui viennent de pays en guerre parlent magnifiquement du désespoir. Ils me bouleversent. Vivre avec eux ces émotions me permet de me dire que je suis toujours sensible aux autres et dans l’empathie. J’ai besoin de m’assurer que je suis bien toujours dans une capacité de réception et d’accueil et non pas blasée. Je pense particulièrement aux textes de James Noël, auteur haïtien et à la poésie d’une femme de Beyrouth dont je ne me souviens plus du nom. Un partage Le fait d’aller à Sète avec mon compagnon François et de partager avec lui la beauté est important pour moi. Cela cimente vraiment notre couple et lui donne une autre dimension que celle du quotidien. J’aime partager la lecture avec des amis. Se faire connaître mutuellement des œuvres. Je participe à l’association « De Vives Voix » qui a été créée il y a trois ans et qui propose ces rencontres autour de thèmes divers. J’y ai découvert par exemple Valérie Perrin, autrice que je lis maintenant. Après chaque rencontre, je ressors avec un livre nouveau : actuellement je lis celui que François Maspero a écrit sur son voyage dans le RER B avec une photographe. Les médiathèques des villes où l’on a habité sont ma deuxième maison. J’ai beaucoup lu a mes enfants quand ils étaient petits J’adore lire à haute voix. Dès que c’est possible je le fais encore. J’aime m’entendre lire. C’est ma voix portant une parole construite par quelqu’un d’autre. Je me sens comme un vecteur. Je véhicule quelque chose qui a été pensé par un autre. Je suis une courroie de transmission. Je transmets un imaginaire et en le lisant à voix haute je l’anime. Je lui donne de la vie. Je m’amuse, j’aime faire les voix d’animaux. Je me libère. Grâce à la psychophonie je m’autorise à développer ma voix et même à chanter. Insolence  « Perchée sur un « pétard de sort » L’insolence de cet enfant.. L’insolence de ce bonheur A la barbe des jeteurs de sort.. L’insolence de cette fleur Que personne ne peut cueillir.. L’insolence de cette vie Née d’une graine Dans la faille du macadam !..  Suspendue au rayon de soleil, La chanson de Mimi Pinson.. Eclaboussé en plein dans la mare, Le saut de Gavroche.. Ruisselant sur la ville entière Le bouquet du feu d’artifice. Il n’y a pas de fermeture Pour l’insolence : Elle brandit son étendard Dans tous les jardins publics.. Elle saute dans l’ascenseur.. Elle plonge dans l’aquarium.. Elle éclate de rire A votre nez.. Excusez du peu ! » Béatrice Dexheimer – La nouvelle Pléiade – 2013 Un mouvement, une onde, une vibration Je suis curieuse de tous les arts. J’aime voir le beau partout et être touchée. Par les

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Philippe Malone, Les Chants anonymes, 2021 (France)

Philippe Malone, Les Chants anonymes, 2021 « Certaines mains se tendent la nuit, se confondent à l’ombre, certaines mains plongent dans l’obscurité, t’agrippent et te hissent hors de l’eau, certaines mains ont la douceur d’un rayon de soleil nageant dans une chute d’eau, la voix chaude d’un souvenir, certaines mains susurrent « viens », quelque chose d’approchant, tu ne comprends pas, cela n’a pas d’importance, pas encore, tu saisis juste cette main, le mouvement de cette main, la langue pour plus tard, tu en traverses tant, peu s’incrustent dans ta bouche, mais les mains, certaines mains persistent et hissent et parlent, elles ont les traits d’un visage, un paysage de plaine, des rides claires qui ondulent dans la nuit, certaines mains sont ouvertes comme des visages souriants, n’ont pas la gueule d’un squale, la dureté d’un poing, une double rangée d’ongles, certaines mains caressent et arrachent de l’errance, de l’obscure traversée, l’obscurité n’est pas fiable, parfois cabane souvent piège, l’insécurité des limbes, certaines mains ont la voix chaude d’une brise de surface, elles susurrent et confortent, un visage ouvert, une voix qui accueille, presque une langue, pas encore une langue, pour l’instant une modulation, l’intonation suffit, la caresse de la main, la caresse de cette voix suffit, elle t’agrippe et t’accueille, t’offre un thé, une couverture, certaines mains ont la forme d’une coquille pour y déverser ta voix, même oubliée, même bannie, ta propre voix étrangère à ta bouche, après tous ces voyages, érodée, égarée, trop lourde pour nager, une morte à transportée, ta langue noyée, ta langue de traverse, certaines mains tendent l’oreille, certaines ouvrent leur visage, disent « je ne te comprends pas mais je sais »… » 2 décembre 2021 : 27 personnes noyées. Un gros titre et l’image passant en boucle d’un zodiac chargé d’hommes, de femmes et d’enfants. Je m’émeus, je m’inquiète, mais mes mains sont vides et ma voix ne résonne qu’en moi. Notre corps social meurt quand sombrent tant de vivants. Philippe Malone, Les Chants anonymes, Ed. Espaces 34, 2021 https://www.editions-espaces34.fr/spip.php?page=espaces34_livre&id_article=492, https://www.philippemalone.com/ et https://soundcloud.com/artcena/lecture-les-chants-anonymes-de-philippe-malone

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Giorgos Séféris, Journal (Grèce)

Giorgos Séféris, Journal (Grèce) « [Mon journal] ne veut même pas être complet. Ce sont tout au plus des traces qu’on laisse en passant, des pas sur la neige, pour rappeler cette pièce de Claude Debussy, les traces de quelques moments qui ne sont pas toujours les plus importants, mais les plus libres, ceux qui sont venus. » 14 novembre 2021 : les mots ouvrent des chemins qui se referment derrière eux. A peine prononcés, à peine entendus, ils entrent dans le silence. Seules demeurent leurs traces. Dehors, les feuilles qui se détachent tombent avec tant d’abandon. Georges Séféris, Journées, 1925-1944, trad., préf. par Gilles Ortlieb, Ed. Le Bruit du temps, 2021 https://www.franceculture.fr/oeuvre/journees-1925-1944 Claude Debussy, Des pas dans la neige, Préludes, livre 1, par Daniel Barenboim : https://www.youtube.com/watch?v=Iq0x_gM8tZg

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